Comme une claque que la raison donne à la folie des Hommes, histoire de les aider à reprendre leurs esprits. Anathémis, le chêne de Castelnau-le-Lez en Occitanie remporte pour la Nature, une formidable victoire : la préservation de l’environnement a une valeur équivalente au droit de propriété, et à la liberté d’aller et venir.
Montpellier, décembre 2021. La justice reconnait les droits fondamentaux des citoyens à « assurer la défense d’un chêne du fait de sa qualité « d’Arbre Remarquable » abritant une espèce protégée, le Grand Capricorne Cerambyx Cerdo. » Et rappelle ainsi la valeur constitutionnelle de la chartre de l’environnement de 2004 : « la préservation de l’environnement ayant par conséquent une valeur équivalente au droit de propriété et à la liberté d’aller et venir, invoqués par la SCI Salaison Castelnau-Le-Lez et la SA Les Nouveaux Constructeurs. » Pour Maitre Alexia Roland « il ne s’agit pas d’une révolution, comme j’ai pu le lire ici ou là, c’est la stricte application du droit. »
Interdiction de passage pour les engins et camions de chantier, « un impératif légitime de protection de l’environnement »
Ainsi, chêne bicentenaire, « Arbre Remarquable », qui abrite le Grand Capricorne, un insecte protégé par la Convention de Berne, Anathémis va pouvoir souffler en attendant le macadam qui devrait recouvrir ses racines, pour permettre le va-et-vient de ses nouveaux voisins du Clos des Oliviers. Normalement 32 appartements sortiront de terre. Et dans quelques mois, une quarantaine de voitures, peut-être plus, défileront au quotidien par la rue de Salaison qui serait l’accès à la nouvelle résidence. Ce sera le deuxième volet de cette affaire.
Pour l’heure, jeudi 16 décembre 2021, la Cour d’appel a rendu son verdict en interdisant le passage des engins et camions de chantier. En précisant que « les blocages de la rue de Salaison sont motivés par un impératif légitime de protection de l’environnement. »
Pour mémoire : le 22 avril 2021, avec 15.000€ à payer de dommages et intérêts, pour avoir bloqué le chantier et une possible astreinte de 2.000€ par jour, par infraction, le juge avait retenu les arguments du promoteur. En première instance, la justice avait donc validé la décision de la mairie de Castelnau-le-Lez de laisser Les Nouveaux Constructeurs, transformer une rue étroite en voie d’accès à son chantier. Une majorité municipale qui s’était engagée, experts à l’appui à faire protéger le chêne pour que la noria des camions se fasse en toute sécurité. Mais les engagements proposés pour préserver la santé d’Anathémis n’auraient jamais été pris en compte. Des engagements de toutes les façons insuffisants puisque dans son jugement la Cour d’appel de Montpellier précise le 16 décembre 2021 que l’interdiction de passage sur le chemin de la rue de Salaison doit se faire « dans un rayon de 12,12 mètres autour du tronc du chêne remarquable, comme préconisé par le rapport de l’ONF. »
L’arrêté municipal se voulait pourtant rassurant et juste : « l’entretien d’un chêne […] pour permettre l’exécution des travaux dans des conditions de sécurité satisfaisantes. » Face à la SA Les Nouveaux Constructeurs qui semblerait ne pas avoir pris la mesure de sa responsabilité, Christophe Menichetti, parent de la famille Bedos propriétaire de la petite maison du bout du chemin a engagé un combat collectif, écologique et solidaire avec détermination. Il ira jusqu’à déposer des branches du chêne cassées et arrachées dans l’Hotel de ville, devant le bureau de Frédéric Lafforgue, maire jusqu’en 2026 et précédemment adjoint de Jean-Pierre Grand, délégué aux travaux à l’urbanisme et au développement durable. Un acte comparé, par l’ancien maire aujourd’hui sénateur, à l’action des militants pro-Trump qui avaient envahi le Capitole.
Exploitation illégale du fichier SIV
Intimidation avec l’exploitation illégale du fichier SIV ? Alors que les promoteurs demandaient à ce que leur soit payé « une somme de 70.000 euros à titre de provision à valoir sur leur préjudice financier résultant des blocages de la rue de Salaison. » Maître Labadie, huissier de justice s’était procuré les identités des défenseurs du chêne qui bloquaient les travaux, grâce au fichier SIV (Système d’immatriculation des véhicules). Pour la Cour d’appel, « il n’est pas démontré que Maître Labadie ait obtenu ces identités à l’occasion d’une déclaration valant saisie, seule hypothèse dans laquelle l’huissier était autorisé à consulter ledit fichier. » Maitre Alexia Roland qui défend les appelants dénonce « des moyens de droits dévoyés au service des puissants contre les plus faibles. » Ce que confirme la Cour en parlant « de consultation » et « d’exploitation illégale de ce fichier, » en ajoutant que « la preuve résultant de la présence sur les lieux des appelants et de leur identité via leurs numéros d’immatriculation » est irrecevable.
Et cette fois, c’est à la SCI Salaison Castelnau-Le-Lez et à la SA Les Nouveaux Constructeurs à être « sous astreinte provisoire de 10.000 euros par infraction constatée par huissier de justice, à compter de la présente décision. » Mais les engins seraient encore en action, ce 17 décembre. Maitre Alexia Roland affirme que dans ce cas :« on piétine une décision de justice. » Tout en expliquant qu’elle se voit obligée « d’écrire en urgence au maire pour qu’il mette en place son pouvoir de police, afin de faire respecter la décision de justice qui semble ne pas être respectée sur le chantier. »
À la mairie, Frédéric Lafforgue explique « n’avoir encore rien reçu sur le rendu de l’arrêt de la cour d’appel, la Ville n’étant pas mise en cause directement. La commune de Castelnau-le-Lez appliquera la décision de justice, comme elle l’a fait lors des précédentes décisions. »
Le deuxième volet de l’affaire
Avec un chiffre d’affaires de 698M€, un portefeuille foncier de plus de 18.000 logements, la société Les Nouveaux Constructeurs, avec son directeur dans l’Hérault Gregory Papaix, sont face à une affaire qui devrait se poursuivre avec un deuxième volet : « faire reconnaître la nature privé de ce chemin, pour aboutir à terme à une interdiction de passage de tous véhicules à moteur, » explique Maitre Alexia Roland qui confie « qu’il y a des avancées à faire sur la protection du vivant, car c’est l’Histoire qui s’écrit pour nos enfants ! »
Les 200
Les 200 citoyens mobilisés pour ce chêne pourraient presque faire partie d’un roman de Frank Miller, non pas pour la bataille des Thermopyles, mais pour celle d’Anathémis. Christophe Menichetti ne cache pas sa joie et sa confiance en l’avenir : « c’est la première fois en France qu’un tribunal, sur une affaire où il doit juger le droit du commerce et le droit de l’écologie, met les droits de l’écologie au-dessus. Et si ça peut servir à d’autres associations, à d’autres combats dans d’autres endroits, je crois que cela serait encore plus beau, et ce serait la plus belle des récompenses. Je tiens à souligner que ce n’est pas moi et ma sœur seuls, mais ça a été 200 citoyens qui se sont mobilisés. »
Belle inspiration aussi, que d’avoir baptisé le vieux chêne vert bicentenaire Anathémis, nom composé d’Antonin et Anais les arrières petits enfants de la famille Bedos, et de Thémis la déesse de la justice et de l’équité.
« Réinventer et humaniser l’urbanisme à Castelnau » Julien Miro
Pour Julien Miro, élu à Castelnau et à la Métropole de Montpellier : « cet arbre cache une forêt de questions et d’inquiétudes dans la population. Je ne doute pas que Monsieur le Maire Lafforgue s’excusera de son erreur. Cette jurisprudence doit maintenant nous permettre de réinventer et d’humaniser l’urbanisme à Castelnau. Je ferai tout pour y prendre ma part. Cette question majeure nous concerne tous et nous oblige. »
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