Emmanuel Macron au Nouveau Sommet Afrique-France de Montpellier (© AM)

Un sommet sans chef d’État et autorités institutionnelles africaines, mais en présence du Président de la République française.

Après une visite « éclair » du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie  dans le cadre de travaux préparatoires au Sommet et une visite « culturelle » de la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, c’était au tour du Président de la République de rejoindre la capitale héraultaise, ce vendredi 8 octobre pour parler de l’Afrique aux Africains.

À sept mois d’une élection présidentielle française à l’issue incertaine, Emmanuel Macron avait mis les petits plats dans les grands pour séduire les acteurs de l’Afrique et de sa diaspora. Accompagné de la Franco-Cap-Verdienne Élisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, le Président n’a pas boudé son plaisir dans une ambiance festive, très éloignée des studieux Sommets internationaux.

Si la nouveauté de ce sommet reposait avant tout sur l’absence des présidents africains, pour la première fois depuis 1973, sa forme rappelait furieusement l’ambiance du Grand Débat français, fruit maladif du mouvement des Gilets Jaunes, aux réalisations plus qu’incertaines.

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Comment dépasser l’héritage du passé ?

Personnage central de ce Sommet, contempteur de la « Françafrique », Achille Mbembe, avait accepté la tâche controversée de préparer le Sommet Afrique-France. Une tâche concrétisée, mardi, par la remise d’un rapport à Emmanuel Macron « pour la refondation des relations entre la France et le continent », mais aussi par la sélection de jeunes, après plus de 60 « dialogues », réalisés entre mars et juillet derniers, qui ont débattu avec le chef de l’État, français évidemment.

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Un héritage qu’il était de bon ton de dire assumer. Le Sommet avait fait le choix d’assumer un thème souvent controversé, et qui empoisonne parfois les relations africano-françaises : les droits humains, mais bémol de cet objet de com’, avec des interventions rapides, qui si elles n’excluaient pas la réflexion et l’émergence de propos divergeant, donnaient bien souvent plus le sentiment d’assister à une vitrine du « Monde d’après » qu’à un Sommet. Une vitrine souriante et bienveillante, parfois désorganisée et brouillonne, en somme, un écrin posé qui n’a semblé attendre toute la journée, qu’une chose : la parole présidentielle française. Un cadre qui rappelait en cela fortement le Grand Débat.

Malgré tout, certains espaces, comme celui relatif à l’engagement citoyen et à la démocratie, situé à l’entrée du Sommet ont tout de même réussi à (presque) remplir toutes leurs promesses pour « que Montpellier soit un nouveau départ », pour reprendre Bakary Sambe, en proposant un temps d’introspection pour « que la France assume la part d’africanité qu’elle a en elle », et pour que le petit pays européen et le grand continent africain puissent « travailler ensemble vers le présent ». Une introspection qui ne s’est pas épargné les remises en question, car pour qu’il y ait une nouvelle relation, il faut assumer une certaine remise à niveau, « on ne peut pas parler de coopération, car le départ est faussé, tant que la France ne travaille pas d’égal à égal avec les pays africains… », expliquait sans amertume l’une des participantes au sommet, toute à la fois sans illusions et confiante dans la volonté du Président de la République française de changer les relations entre le vieux pays et le jeune continent.

« Si nous sommes ici à parler de coopération, c’est que le travail qui aurait dû être fait depuis des années n’a pas été fait », a pu confesser à son tour Emmanuel Macron en arrivant sur l’espace Culture du Sommet, questionné par les différents intervenants à propos des restitutions, avant de prendre un bain de foule.

Emmanuel Macron en plénière pour un Sommet qui n’en est pas un.

Dans un pur exercice de style, c’est un Emmanuel Macron impeccable et souriant qui a salué une foule bienveillante, bien loin des considérations politiques devant un locataire de l’Élysée presque sincère, devant la faible portée du Sommet : « derrière ça l’idée c’est de faire un sommet UE/ Union africaine. » Bref ! Pour la politique internationale, il faudra encore attendre, mais qui en doutait ?

Alors que matinée et début d’après-midi étaient consacrés à des moments de dialogues, d’échanges, de rencontres, d’élaborations de propositions, de manifestations culturelles et d’événements sportifs, c’est la séance plénière, en présence du Président de la République française, qui a attiré tous les regards et « presque » toutes les attentes, parfois avec dureté concernant les dictatures africaines, parfois avec bienveillance sur la demande de renouveau, pour que la France devienne « un partenaire des peuples africains et non pas des dirigeants qui s’arrange avec la démocratie » (Aliou Bah). Alors concrètement que faut-il en retenir ?

Concrètement, quels sont les fruits du Sommet ?

Tout d’abord, le Président a annoncé la création d’un fonds d’innovation pour la démocratie piloté par un comité ad hoc de personnalités africaines, avec une enveloppe dédiée de 30M€ sur trois ans qui aura pour objectif de venir en soutien aux acteurs du changement sur le continent africain. Le Sommet a aussi été un moment fort avec l’annonce de la mise en route d’une mission de préfiguration concernant une future « Maison des mondes africains et des diasporas ». La présidence honorifique de la mission de préfiguration sera confiée à Achille Mbembe, avec le rendu des premières propositions dans un délai de 6 mois.

Côté économie, le rassemblement a aussi été l’occasion d’acter le lancement de la seconde phase de Digital Africa, sous la forme d’un fonds de 30M€, à raison de 10M€ de subventions par an pendant 3 ans. Le fonds devrait être accompagné d’une labellisation de projets portés par différents dispositifs de Proparco (pour près de 130M€).

Côté restitution, après la restitution dans les prochaines semaines des 26 œuvres du Trésor d’Abomey, le ministère de la Culture, l’Institut français, l’Agence française de développement et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères devraient mettre en œuvre plusieurs initiatives pour renforcer la coopération patrimoniale et muséale. En parallèle, le ministère de la Culture devrait lancer un fonds de soutien à l’accueil d’exposition et à la circulation d’œuvres, à hauteur de 300.000 euros sur 3 ans et à partir de 2022, un séminaire professionnel « Itinéraire Culture », mais aussi des programmes dédiés à la formation des professionnels du patrimoine.

Côté soutien aux industries culturelles et créatives, le programme « Accès Culture », porté par l’Agence française de développement et l’Institut français, devrait être élargi géographiquement et abonder à hauteur de 2,5 M€ supplémentaires, tout comme le programme « Afrique créative ». De son côté, le Fonds de mobilité « Culture au Sahel », lancé en 2021 par l’Institut français devrait être abondé à hauteur de 150.000 €. Un nouveau dispositif devrait également être mis en place visant à augmenter la mobilité des étudiants africains et français pour près d’1,8 M€. Enfin, côté sport, Emmanuel Macron a annoncé, en marge de la plénière, la création d’un programme « Sport – éducation » pour soutenir les académies sportives africaines, avec une contribution supplémentaire de 4M€.

Des investissements chiffrés à bien moins de 100M€, bien loin, du milliard d’euros d’investissement sur cinq ans, annoncé mercredi, par Google et cela sans Sommet. En somme, la France mène la politique qu’elle peut à destination des Africains. Pour les grands bouleversements, il faudra sûrement (enfin peut-être) attendre le Sommet Afrique-UE, en présence bien entendu, cette fois, des chefs d’État.

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