Le monde de l’immobilier était en pleine réflexion à Saint-Jean-de-Védas dans les locaux du journal presque octogénaire qui produit aujourd’hui du débat vidéo pour Facebook. Ces annonceurs du Midi-Libre souhaitaient certainement entendre le nouveau maire de Montpellier, en terrain connu.
C’était mercredi, vous l’avez zappé ? Fondamentalement, il ne fallait pas ! Le journal local faisait son “Lab Immo.” Un produit qui veut « créer un espace de rencontre, d’échanges, et de libre circulation des idées, inspirant pour les leaders de l’immobilier, » dixit la bande annonce qui décrit le concept. Cette première formule, avec peut-être l’intention de passer le nouveau maire au microscope, se voulait-elle une messe comme autre fois ? Une communion dans un langage d’initiés qui permettrait de s’entendre sur les non-dits et les silences ? S’assurer de la continuité du marché, et de ses habitudes ? Avec une envie folle, de voir le discours électoral s’estomper, au bénéfice du doux refrain du retour aux affaires ?
Mais « les leaders » ont eu droit à un Michaël Delafosse révolutionnaire. Disons innovant, car la notion de révolution fait peur dans une société dominée et contrôlée par la consommation de masse. Fidèle à ses annonces et à son programme, le nouveau maire de Montpellier a affiché clairement sa volonté de rompre avec le système en place. On pourrait le dire ainsi, Michaël Delafosse a mis le monde de l’immobilier au pas, enfin dans ses pas.
Y a-t-il donc un vrai socialiste sur ce territoire ?
En 58 minutes sur le réseau social américain, la réponse est oui. Michaël Delafosse s’est affirmé socialiste dans le sens d’une doctrine qui veut privilégier les intérêts de la collectivité, plutôt que ceux de l’individu.
Premier psaume, après avoir posé en introduction, les 15 milliards de chiffres d’affaires du secteur de l’immobilier en Occitanie, dont 3 milliards dans l’héraut, et agité le Saint-Graal que sont les 140.000 emplois pour la Région, Claire Charbonnel, directrice générale déléguée du groupe Midi-Libre, laisse ce “Lab immo” commencer.
La première question va être posée : « on va rentrer tout de suite dans le vif du sujet, Mr Delafosse, si vous le voulez bien » prévient Hubert Vialatte, en reprenant quelques chiffres qui annoncent entre autres une baisse de 70% du nombre de ventes dans l’immobilier pour le deuxième trimestre ce cette année. Le journaliste économique propose alors au maire de livrer « un petit message aux promoteurs qui sont présents dans la salle […] on est vraiment dans une situation compliquée pour l’acte de bâtir […] vous n’avez pas une baguette magique, mais vous êtes le nouveau maire de Montpellier, c’est déjà ça. Quel message vous pouvez délivrer aux promoteurs pour les rassurer ? »
« On a besoin de retrouver de la méthode ensemble »
Michaël Delafosse est apaisé, et réfléchi. Lui n’est pas là pour animer un nouvel objet de communication sur l’immobilier. Il commencera doucement : « je n’ai séché aucun débat, esquivé aucune question. J’ai toujours eu un dialogue extrêmement franc […] Et ce sera le langage que j’aurai pendant les six prochaines années. » Puis il précise que s’il est maire aujourd’hui, c’est pour appliquer « les orientations sur lesquelles j’ai été élu, et l’ensemble des engagements publics que j’ai pris. » Le maire de Montpellier est rapidement relancé par Olivier Biscaye qui veut donner du rythme à son nouveau Lab : « que dites-vous aux promoteurs ? »
« on a besoin de logements, mais on a besoin de retrouver de la méthode ensemble. » Un temps, le regard du maire se pose sur l’ensemble de la salle. « Et je le dis très clairement […] c’est le volet extrêmement franc qui ne fera peut-être pas plaisir ce soir : on ne peut plus continuer comme ça. »
Michaël Delafosse commence par décrire l’anarchie de l’urbanisation à la parcelle : « on ne peut plus aller sur ce mécanisme qui consiste à acheter une belle maison d’une dame assez âgée, qui nous rappelle la littérature de Balzac, et d’un seul coup faire sortir un immeuble qui dégrade la qualité de vie des habitants autour. On ne peut plus ! Je vous le dis, on ne peut pas avoir plus de logements construits hors ZAC que dans les ZAC. » Dès les premières minutes, le maire de Montpellier a donné le ton de sa volonté de rénovation, pour un travail de qualité, avec tous les acteurs importants de l’immobilier.
Territoire de projets : la régulation des prix
Une salle silencieuse, et Michaël Delafosse va leur expliquer sa notion du territoire de projets, un rééquilibrage qui dit : « où la ville de Montpellier laisse construire et où, elle ne souhaite plus que l’on construise. » Plus précis, le maire indiquera sa détermination à « activer l’ensemble des leviers fonciers, pour retrouver une maitrise des prix. La concurrence que se livrent les promoteurs à la surenchère foncière ne peut plus tenir. C’est votre propre modèle qui est en jeu. Je le dis très tranquillement. » Et dans un sourire : « la lecture de la DIA (Déclaration d’Intention d’Aliéner), ou du stratagème juridique pour contourner la DIA sera très suivi, parce que nous avons des prix de sortie qui ne correspondent plus, vous le savez, aux prix de marché. »
« Il y aura de la transparence »
Au niveau de la métropole, Michaël Delafosse veut donner « une lisibilité de la programmation des lots que nous allons attribuer en ZAC […] Et je continue parce que je veux être très franc, il y aura de la transparence. » Ainsi, nouvelle musicalité à Montpellier, et dans sa métropole, on saura pourquoi un lot a été attribué et pourquoi il ne l’a pas été. Le maire de Montpellier se tourne ensuite vers sa responsabilité à construire l’avenir : « vous avez vanté le chiffre d’affaires que représente l’acte de bâtir, et bien il faut qu’aujourd’hui il soit résolument tourné vers l’innovation écologique, sur les matériaux, sur les filières. Enfin, je vous le dis tout net, on voit des choses superbes […] et on voit des choses, on se dit, mais dans 30 ans, ça ressemblera à quoi ? »
L’objectif du maire de Montpellier est de faire de la ville l’emblème de la qualité et de l’innovation en matière d’immobilier, pour apporter une garantie : « ici, quand les gens achètent un bien, c’est une valeur sûre et durable. » Salle toujours silencieuse presque studieuse, le débat est lancé.
Prendre soin du trésor qu’est le territoire
Michaël Delafosse ajoutera : « vous [les acteurs de l’immobilier, ndlr] êtes très attendus. Soyons francs, jusqu’au bout ! On va devoir de moins en moins artificialiser les sols, c’est un changement de paradigme qui est en train de s’opérer. Le centre historique pour vos professions va être un enjeu. Parce que moi, quand il est vendu à la découpe, c’est en train de faire basculer l’image de marque de la Ville […] Très honnêtement, qu’est ce que nous racontons aujourd’hui ? » Un long temps de pause, pas de réactions à cette question, juste le son de la clim. Michaël Delafosse reprend : « qu’est ce qu’on raconte d’original ? Quand moi comme maire, je vais voir d’autres maires, je leur dis là, on a fait un truc original ! Je leur dis quoi ? »
Résolument tourné vers l’avenir, et le développement durable pour les générations futures, le maire de Montpellier n’a pas distribué de cartes au trésor pour « les leaders de l’immobilier, » mais leur a clairement demandé de prendre soin du trésor qu’est le territoire dans son ensemble. Midi Libre aurait-il fait bien involontairement avec son Lab Immo : le lancement des États Généraux de l’immobilier sur le territoire ?
Le directeur de la rédaction du journal, Olivier Biscaye laisserait-il supposer d’autres États Généraux ? Notamment sur la crise politique, avec cette réaction étonnante à l’attention du nouveau maire de Montpellier : « vous n’allez pas nous faire croire que la politique va changer du jour au lendemain, et que certains élus après les engagements de campagne ne les tiennent pas. Vous les tiendrez, nous verrons bien, on fera le bilan. »
« Je ne laisserai pas le territoire de Montpellier se faire intimider »
Précis, au détour d’une question sur le stade et shopping promenade, Michaël Delafosse a pu affirmer : « je ne laisserai pas le territoire de Montpellier se faire intimider. Jusqu’à nouvel ordre, les orientations d’aménagement, elles sont prises par les élus de la République. » CQFD.
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