Mobilisation du 7 janvier 2020 à Montpellier (© CGT UD34)

Dans une lettre ouverte, le secrétaire général de l’Union Départementale des syndicats CGT de l’Hérault interpelle le préfet de l’Hérault : « Monsieur le Préfet, la situation est sérieuse, la lutte contre la propagation du virus ne peut pas avoir comme conséquence la remise en cause de nos libertés ».

Monsieur le préfet de l’Hérault,

Depuis bientôt un an notre pays vit au rythme de la lutte contre la pandémie de la COVID 19 une crise grave, douloureuse, qui a révélé bien des failles dans notre système de soins et notre industrie. Ce constat aurait dû conduire notre gouvernement à revenir en profondeur sur les politiques néfastes suivies depuis des années en matière de santé, de protection sociale, de services publics ou d’industrie. Le chaos national des mois de mars et avril 2020 ont démontré l’urgence d’une telle rupture.

Je déplore une nouvelle fois l’absence de discussions avec les organisations syndicales de salariés et l’inaction de l’Etat concernant les dossiers de Schneider, Orchestra, IBM ou Sanofi par exemple. J’aurai l’occasion de vous écrire de façon plus précise sur l’amplification de la crise sociale qui frappe durement la population de l’Hérault.

La pandémie est l’occasion pour le gouvernement de renouer avec un vocabulaire guerrier, d’installer notre pays dans un état d’urgence permanent.

Les décisions se verticalisent et se centralisent avec une absence de respect des institutions et des syndicats qui comme le nôtre, sont pleinement mobilisés pour préserver la santé des salarié-e-s et de la population.

Cette situation d’exception devient la norme et souffre de nombreuses critiques dans le pays. Comme nous le dénonçons depuis le début de cette crise, la situation sanitaire ne peut pas être un alibi pour réduire le débat démocratique, et l’expression des libertés fondamentales.

Nous constatons une volonté de passer en force sur des sujets qui remettent en cause des principes fondamentaux. Une dérive dans ce contexte si particulier. Nous dénonçons un emballement et une superposition de textes répressifs qui portent atteinte à nos libertés individuelles et collectives.

Nous rappelons notre opposition, à la loi sécurité globale qui va revenir en discussion au Sénat et notre opposition à la loi « confortant le respect des principes de la République » votée le 16 février en tournant le dos à l’esprit de la déclaration des droits de l’homme et à la loi de 1905.

Sur le terrain purement syndical, nous dénonçons une nouvelle fois les difficultés qui remontent de nos syndicats quant à l’exercice des libertés syndicales dans les entreprises. Nos militant-es rencontrent des difficultés pour se déplacer dans les services, impossibilité de tenir des réunions, de réaliser des formations, Pas ou peu de mesures appropriées pour permettre le contact avec les représentant-es syndicaux dans les entreprises en télétravail.

Nous revendiquons que des locaux soient mis à disposition pour que nous puissions tenir dans le respect des consignes sanitaires des réunions et des formations. Si ce n’est pas possible dans les entreprises, les municipalités doivent prêter des salles. Nous vous remercions de votre intervention pour que la ville de Sète maintienne la mise à disposition la salle que nous avions réservée. Nous vous demandons de rappeler à l’ensemble des communes la possibilité d’attribuer des salles pour la tenue de réunions syndicales ou associatives. Nous vous demandons dans le même esprit d’appuyer notre demande que nous venons de leur adresser pour une mise à disposition de panneaux électoraux pour l’élection TPE.

Dans une période de notre histoire où les doutes, les angoisses, les peurs, peuvent être exploités par les partis de la haine, il y a urgence à prendre des mesures pour faciliter permettre les échanges entre les salarié-es et leurs représentant-es, valoriser et protéger l’action d’éducation populaire des syndicats et des associations.

Nous souhaitons vous interpeller directement sur le droit de manifester.

Votre arrêté du 12 février 2021, no 2021.145 pose problème et vient de faire l’objet d’un recours gracieux de la part de la LDH dont nous soutenons l’argumentation.

Le 21 janvier 2021 lors de la journée d’action, il est utilisé par le sous-préfet de Lodève pour empêcher la mise en place d’une sono lors du rassemblement organisé par nos syndicats de la santé.

Un lieutenant-colonel de gendarmerie s’est illustré quelques jours avant en s’opposant à une diffusion de tracts à Clermont l’Hérault sur la base d’un arrêté introuvable; devant un premier refus, il dépêchera des patrouilles de gendarmerie pour impressionner nos camarades…de quel droit ?

Le 4 février à Béziers, alors que la manifestation est déclarée et stipule la présence d’un véhicule sono, des policiers utilisent cet arrêté pour tenter d’interdire l’accès du véhicule de la CGT à la manifestation. Ils finissent par y renoncer devant la colère que cette intervention génère. Ce type de provocation inacceptable est une première, alors que jusqu’à présent il n’existait aucune difficulté. Nous déplorons des consignes restrictives qui peuvent conduire à dénaturer l’objet revendicatif des manifestations syndicales. Nous vous demandons de veiller à ce que ce type d’évènements ne se reproduise plus.

Le même jour les grévistes de la boutique Orange du Polygone rassemblé-es devant leur lieu de travail ont eu la visite de la police nationale qui souhaitait les verbaliser. Là encore la Covid est utilisée pour restreindre le droit de manifester et disperser un rassemblement syndical. Nous allons être particulièrement attentifs à la façon dont se déroulera le prochain rassemblement déclaré pour le 08 mars à 10h30 par ces mêmes salarié-es.

Ces faits graves font suite à des décisions malheureuses visant à interdire les manifestations à Montpellier, et nous convainquent de la nécessité de vous demander de retirer votre arrêté, mais aussi de rappeler aux forces de l’ordre que notre Etat de droit garantit et protège le droit syndical et le droit de manifester.

Le droit de se syndiquer, de faire grève, de revendiquer, de manifester est en danger.

Les libertés syndicales sont remises en cause alors que la crise sociale s’accentue avec leur lot de licenciements et d’injustices, que les salarié-es ont besoin des conseils et du soutien de nos militant-es et de notre organisation.

A Béziers, après avoir tenté de nous exclure de nos locaux, la mairie supprime les subventions des Unions Locales. La crise COVID est l’alibi avancé mais les gesticulations médiatiques du maire ne pourront pas cacher une décision idéologique prise en décembre 2019. Robert Ménard s’en prend à toute forme d’opposition et il le fait souvent au mépris du droit. Nous espérons que vous aurez sur ce sujet la même attention que votre prédécesseur.

Pour finir, je vous joins le communiqué de la CGT pour protester contre la remise en cause du droit de grève à la ville de Montpellier. Une décision qui fait l’objet d’une opposition de l’ensemble des syndicats. Une décision qui s’appuie sur une loi de cette majorité que nous allons continuer à combattre.

Monsieur le Préfet, la situation est sérieuse, la lutte contre la propagation du virus ne peut pas avoir comme conséquence la remise en cause de nos libertés, un patrimoine essentiel pour notre République.

Pour cette raison, nous rendons public par voix de presse ce courrier et tiendrons une conférence de presse le jeudi 11 mars, c’est le jour où le délégué syndical central du groupe Korian Albert PAPADACCI est convoqué au tribunal pour avoir dénoncé la situation dans les Ehpad du groupe. Les journalistes de France 3 font l’objet eux aussi d’une plainte. Une atteinte de plus à la liberté syndicale et à la liberté de la presse. J’espère pouvoir vous lire ou échanger avec vous sur ces sujets d’ici là.

L’action syndicale n’est pas un délit et la démocratie, le droit de débattre de contester de s’opposer, de manifester, d’écrire, font partie d’une respiration normale pour une démocratie digne de ce nom.

A défaut d’être un vaccin contre la COVID, le syndicalisme est un vaccin irremplaçable contre la tentation fasciste, la haine, le racisme, la xénophobie et les violences.

Les mots d’Albert Camus « quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles » raisonnent comme un avertissement en ce début d’année 2021. Je ne doute pas de votre engagement à combattre les extrémismes mais la réponse à une crise sociale, économique, morale et politique de l’ampleur que nous connaissons ne pourra jamais être policière.

Au-delà des discours, il faut des actes conséquents pour défendre et maintenir l’ensemble de nos libertés individuelles et collectives. La période appelle chacune et chacun à faire preuve d’esprit de responsabilité. Au nom de la CGT, je puis vous assurer de notre indéfectible détermination à poursuivre la lutte pour construire un avenir de justice et de progrès social.

Nous présenterons sous peu un plan d’urgence pour le département.

Je vous remercie par avance de l’attention que vous porterez à notre courrier et à nos demandes.

Veuillez recevoir, Monsieur le préfet l’expression de nos sincères salutations

Serge RAGAZZALCI Secrétaire général 
Union Départementale des syndicats CGT de l’Hérault

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