L’inacceptable pour François Liberti, c’est la remise en cause de la loi littoral de 1986. Avec la loi logement dite ELAN, une voie royale pourrait à nouveau s’ouvrir aux « bétonneurs ».
Pourtant les mots sonnent juste : Évolution du Logement, Aménagement et Numérique. ELAN, l’acronyme semble sympathique, offrant à l’imaginaire la dynamique d’un mouvement vers l’avenir, et la liberté de l’animal sauvage dans sa forêt, aux parfums de progrès et nature. Les députés ont adopté en première lecture, le projet de loi Elan, le mardi 12 juin 2018 : avec 342 voix pour, 169 voix contre et 44 abstentions.
Une crainte : l’effondrement des écosystèmes lagunaires
autour du Bassin de Thau.
Il n’y pas que Stéphane Bern que la loi ELAN titille. Francois Liberti aussi tire la sonnette d’alarme. Et il le fait promptement, en date du 30 mai 2018, dans un courrier qu’il signe avec les conseillers communautaires, Véronique Calueba-Rizzolo, Sébastien Andral, et Max Savy, et qu’il adresse au Premier ministre Édouard Philippe. La réclamation des élus est claire : « nous vous demandons de retirer tous les articles de la loi ELAN, susceptibles de remettre en cause la Loi Littoral. » Leur crainte : l’effondrement des écosystèmes lagunaires autour du Bassin de Thau.
Une crainte légitime. Presque subrepticement, un bon nombre de députés LREM, dont certains élus bretons souhaitaient faire adopter quatre nouveaux articles qui risquaient de piétiner la loi littoral. En bref : permettre de combler les « dents creuses » qui sont des parcelles vides situées entre deux bâtiments dans un même hameau, y compris sur la bande des cent mètres, sacrilège ; autoriser la construction de bâtiments d’exploitation agricole ou forestière sur des zones non urbanisées ; bâtir certains équipements collectifs (genre, école de voile) en zappant la loi littoral dans les territoires ultramarins, et les îles continentales ; donner la possibilité d’installation de centrales photovoltaïques près des rivages. De petites touches qui auraient pu dans un premier temps, ouvrir des brèches, et réussir à bouleverser la loi littoral de 1986, une loi historique pour l’écologie. Mais le vendredi 1er juin 2018, le gouvernement a reculé sur les assouplissements qu’il souhaitait y apporter.
Dans le bon tempo, François Liberti avait donc alerté le Premier ministre, en amont des débats, pointant les « dangers » que pouvaient occasionner de telles dispositions, extrait (courrier 30/05/2018) : « l’urbanisation galopante, malgré les contraintes actuelles sur notre littoral, fragilise déjà fortement les écosystèmes lagunaires autour du Bassin de Thau ainsi que le cadre de vie de toutes les populations. Les amendements déposés par les parlementaires LREM, rendant constructibles des espaces jusque-là sanctuarisés par la loi littoral de 1986, notamment les « dents creuses » qui séparent des espaces construits, sont tout simplement inacceptables. » Pour l’opposition, « la vigilance doit l’emporter en permanence sur ce texte de loi », dira François Liberti. Quelques exemples. Question handicap, et accessibilité universelle, pour la part dans les logements neufs, c’est un passage de 100% à 10%. Détail rassurant ou pas : les autres 90% devront pouvoir être évolutifs. La revente des logements sociaux sera facilitée. Certes, les occupants seront prioritaires à l’achat, et ces logements resteront pour une durée de dix ans, dans les quotas imposés par la loi SRU ( loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain qui garantit 25% de logements sociaux dans les villes). Autre détail, la vente par lot de plusieurs logements sociaux sera autorisée à des acteurs privés. Outre les « amis » architectes de Stéphane Bern : les architectes des bâtiments de France, les bailleurs sociaux et donneurs d’ordre pourront déroger à la loi MOP ( loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique ) et à l’obligation de concours d’architecture.
Mercredi 25 juillet 2018, le Sénat a adopté avec modifications le projet de loi ELAN. Plus de poids décisionnel est donné aux élus locaux. La loi littoral est « retouchée ». Urbanisation possible, sous certaines conditions des « dents creuses », et les sénateurs ont décidé d’autoriser, dans les zones non urbanisées, des installations nécessaires aux activités agricoles, forestières, et aux cultures marines. Pour brouiller les pistes, une petite fronde face au gouvernement et des airs de bonne conduite, côté handicap : ils poussent à 30 % la part de logements accessibles dans les programmes neufs contre 10%. À noter aussi, un savant « bidouillage » de la loi SRU, en incluant de nouvelles catégories d’habitat dans la comptabilité des logements sociaux. La commission mixte paritaire chargée de trouver un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat est convoquée pour le 12 septembre.
Septembre 2018. Des débats agités en perspective, avec une loi qui doit être examinée par une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Une loi qui sera sans doute promulguée au début de l’automne. François Liberti veut rester vigilant, et garder les questions d’aménagement du territoire, dans le champ de vision des citoyens : « tout reste à faire… d’abord dans le débat parlementaire et ensuite dans le mouvement de l’opinion publique qu’il va falloir continuer de mobiliser… »
Francois Liberti, conseiller municipal de Sète, et conseiller communautaire du Bassin de Thau :
Pour rappel : 150 000 personnes sans domicile et 4 millions de personnes mal logées, la priorité pour Jacques Mézard et son ministère de la Cohésion des territoires semble évidente, basique. Une urgence qui va donc, au-delà des beaux morceaux de territoires du littoral, à haute valeur spéculative.
Les quatre axes de la loi ELAN : construire plus, mieux et moins cher – évolution du logement social – répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale – améliorer le cadre de vie, tiendront-ils la promesse de leur poésie ?
Retour à l’assemblée le 31 mai 2018 avec deux interventions, celles de Jean-Félix Acquaviva Haute-Corse (2e circonscription) et François Pupponi Val-d’Oise (8e circonscription) qui permettent de saisir l’inquiétude qui s’est portée sur la loi littoral :