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« Il n’y a rien de pire que l’absence de transparence qui va nourrir la défiance. »

Michaël Delafosse candidat, avait en février 2019, une certaine vision des relations que doivent entretenir médias et collectivités, d’autres diraient même : une certaine exigence pour « la pluralité de l’expression » et pour les deniers publics, où « chaque euro dépensé serait un euro utile».

Une vision ancienne, et une volonté forte de rompre avec les pratiques du passé, « on ne peut plus faire comme avant, on ne peut plus singer les modèles passés ». Lundi 12 avril 2021, le jeune candidat n’a jamais semblé aussi éloigné du Maire-Président de Montpellier.

Pourquoi verser 310.000 € à un média privé ?

L’affaire 31 n’a passionné personne, 55 votes pour, 6 abstentions, 2 « ne prennent pas part au voter » et un non voté. On ne l’a vue reprise presque nulle part. Pourtant, elle acte une bien étrange pratique. Explications.

Lundi 12 avril, les conseillers municipaux devaient approuver « les termes de l’avenant n°1 la convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens avec Montpellier Méditerranée Métropole et la société TV Sud Montpellier », sans que ceux-ci soient annexés au dossier. Alors que contiennent convention et avenant ?

Initialement, la convention pluriannuelle avait été signée le 26/02/2019 par l’ancienne majorité municipale et métropolitaine et la société TV Sud Montpellier, avec à la clé, le versement annuel de 250.000 € HT par la Métropole et 60.000 € HT par la Ville (310.000 € HT). En échange de cette juteuse somme, la télé locale s’engageait « à couvrir tous les aspects de la vie locale en l’abordant sous des angles variés – social, économique, culture, sport, politique, vie scolaire et universitaire, faits de société, etc.-  de l’échelle communale à celle de la Métropole voire du pôle métropolitain ». En parallèle, la convention devait prendre fin en 2022 et la Ville et la Métropole pouvaient, à tout moment, demander une résiliation anticipée de celle-ci, « pour motif d’intérêt général ». Bref, rien n’imposait de continuer cette douteuse pratique de versement d’argent public à des médias privés, en dehors de tout cadre commercial. Une pratique qui posait problème au candidat Delafosse, lorsque l’accès aux médias était difficile.

S’il y a bien eu un changement de majorité en juin 2020, la convention elle est restée, et avec elle une certaine conception du rapport aux médias. Plus fort, celle-ci a même eu le droit à un avenant, « pour poursuivre la collaboration dans les meilleures conditions » (dixit la présentation de l’affaire 31, par les services de la Mairie). Voilà donc la pratique confirmée, avec le versement pour cette année encore, de 310.000 € HT.

Qu’est-ce qui change alors ? Tout d’abord les « 7 piliers stratégiques » sont modifiés, ils sont maintenant dans l’ordre : « 1. Culture, Patrimoine, Universités (une attention particulière sera apportée au thème de la culture : reportages réguliers, directs, plateaux événementiels…) », « 2. Santé », « 3. Numérique », « 4. Transport et mobilités », « 5. Développement économique, tourisme et industrie », « 6. Agro-écologie-alimentation » et « 7. Commerce et artisanat ». Mais surtout Ville et Métropole demandent en remplacement d’un « Magazine mensuel : « Montpellier Méditerranée » », que la déclinaison de ces thématiques puisse prendre la forme de « Plateaux événementiels : Afin de faire partager les moments forts de la vie montpelliéraine et métropolitaine à la population, des plateaux événementiels seront mis en place. En direct ou en différé, ces plateaux permettront de faire réagir  des invités au sujet d’un événement ou d’un thème défini avec la Collectivité. Des reportages d’illustration auront été réalisés en amont, et seront diffusés lors de l’évènement. » Un format ressemblant, trait pour trait à celui des vœux 2021 et dont l’intérêt n’est que communicationnel, en somme, une forme fine de publi-reportage. Le contribuable appréciera cette externalisation étonnante d’une partie du service communication.

Soyons optimistes, pour ce prix-là, on peut peut-être espérer que les opposants municipaux et métropolitains seront aussi couverts, n’oublions pas que leurs électeurs payent aussi le temps d’antenne.

« Les prétendants à la reprise ne sont pas des perdreaux de six semaines. » – Serge Guiseppin.

Partout, le tempo de l’affaire 31 du conseil municipal aurait fait sourire. Pas à Montpellier. Une grande ville, où l’on peut sans sourciller verser une participation annuelle de 310.000 € HT à une chaîne de télévision locale privée, très peu regardée et surtout en redressement judiciaire, sans même connaître son repreneur.

Une incongruité, qui n’avait pas échappé au président du groupe d’opposition « Le Coeur & l’Action », Serge Guiseppin, « nous avons été travailler dans les détails de ce dossier et il s’avère que Vià Occitanie est en redressement judiciaire, le tribunal de commerce de Nîmes, aurait dû ou a dû donner un délibéré le 8 de ce mois, les prétendants à la reprise ne sont pas des perdreaux de six semaines, je vais les citer Altice Media via BFM TV ou le groupe Dépêche du Midi, il me semble urgent de nous abstenir sur cette délibération, n’ayant pas déjà le délibéré du Tribunal de Nîmes et acte 2, ne sachant pas à qui nous allons attribuer de ce fait cette subvention ».

Si du côté du Maire-Président, on peut comprendre « les réserves », on n’explique tout de même que « la presse est partout lourdement impactée, donc cet avenant-là vise à donner sur Via Occitanie, autour des acteurs culturels la possibilité d’avoir une visibilité avec la liberté éditoriale de la ch… oui de la chaîne, ce qui est en jeu aussi derrière c’est la pérennité des emplois, donc, qui nous a paru nécessaire, quand même de pouvoir avancer tout en étant très attentif à la situation de reprise des personnels de Vià Occitanie qui sont souvent des gens qui ont subi beaucoup de changement au demeurant ». En pratique, le maire de Montpellier confirme que c’est de l’argent public qui vient pallier les errements économiques d’un média privé, venant lui-même en concurrence au travail de l’audiovisuel public payé directement par les contribuables. Une bien étrange manière de distribuer l’argent public, bien loin de l’efficacité économique vantée pendant toute la campagne des municipales.

En parallèle, concordance des temps oblige, le tribunal de commerce de Nîmes  rend son délibéré, c’est donc La Dépêche du Midi qui sera le repreneur du média, placé depuis plusieurs mois en redressement judiciaire.

Le groupe, très proche du Parti radical de gauche et dont le PDG est l’actuel maire de Valence-d’Agen et Président de sa communauté de communes (après avoir été entre autres conseiller régional, député, sénateur et ministre), ne reprendra que 45 des 120 salariés de Vià Group.

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