Montpellier, zone piétonne verbalisation des livreurs motorisés
Montpellier, verbalisation des livreurs motorisés (©JPV)

Une amende… Quoi de plus normal… Pressé, précipité, bousculé par le temps, tout un chacun parfois déroge un peu aux règles communes. Mais communiquer sur les réseaux sociaux, pour avoir verbalisé des livreurs motorisés et penser combattre un empire en s’attaquant à ses « esclaves » : serait-ce là deux indices qui pourraient dévoiler une posture politique, sans stratégie idéologique ?

L’histoire commence un peu à cause d’un trophée de chasse. Sébastien Cote, socialiste et adjoint au maire de Montpellier, délégué à la protection de la population, la tranquillité publique, et aux affaires militaires, tweete le 3 janvier dernier : « hier soir en 1 heure, 18 verbalisations dans l’aire piétonne pour circulation non autorisée de scooter au préjudice des riverains (bruit). Quasi toutes les verbalisations concernent UberEats et Deliveroo ! On en parle, messieurs les managers ? » Que faut-il comprendre ? Comme si Will Shu, Directeur général de Deliveroo ou Dana Khosrowshahi pour UberEats allaient s’asseoir en salle de classe du professeur d’Histoire pour comprendre toute la logique de sa stratégie. Eux qui restent simplement obsédés par une réduction des coûts.

En revanche, localement, pour répondre à cette politique, un rassemblement a été organisé samedi 6 février, sur le parvis de l’hôtel de ville, à l’appel de Robert Kissous, président de l’association « Rencontre Marx, » et d’Annie Salsé, militante syndicale (CGT Montpellier)  pour dénoncer une pression, sur les livreurs de repas à deux roues motorisés, dans Montpellier. Mobilisation qui a vu la participation d’une trentaine de personnes. Une pétition a aussi été créée pour aider ces livreurs à scooter, en demandant l’annulation des PV. Elle a réuni plus de 10.700 signatures, avec un objectif désormais affiché de 15.000 soutiens. Le 27 janvier dernier, un courrier a été adressé à Michaël Delafosse maire de Montpellier, pour l’heure sans réponse ou réactions.

[VIDEO] Prises de parole du 6 février, devant la mairie de Montpellier :

Les forçats de la livraison

Cible facile que ces forçats de la livraison, la mairie veut-elle les faire disparaître de son centre-ville et les « matraquer » à coup de 135 euros ?  « Je récuse l’idée que nous matraquions. Il n’y a pas cinquante verbalisations par jour dans Montpellier, donc il n’y a aucun matraquage. Et je constate que les comportements sont en train de changer […] J’ai vu énormément de scooters qui coupaient leur contact en haut de la rue de la Loge pour descendre en roue libre, traverser la Comédie en roue libre, pour aller s’approvisionner rue de Verdun et rue Boussairolles. J’ai vu beaucoup de livreurs pousser leur scooter pour traverser ne serait-ce que la Comédie, »  souligne Sébastien Cote contacté par téléphone. Précision donnée : « on ne verbalise pas uniquement les livreurs, ça c’est un mensonge. Nous verbalisons tous les deux roues motorisés qui roulent sur une aire piétonne. » Avec à noter, que la police municipale a pour consigne : « une tolérance pour les scooters à moteur électrique, à condition qu’ils ne roulent pas comme des fous. » Certes un véhicule dont le silence reste un danger potentiel. Un engin à surveiller, si la prudence de son conducteur n’est pas de mise.

Et le Délégué à la protection de la population l’assure : « la précarité du travail, je la condamne, et je condamne ce modèle-là […] L’État devrait donner les moyens aux collectivités locales de réguler ces plateformes […] Moi, ma responsabilité, c’est de protéger les gens, et de partager l’espace public. Pour éviter qu’un jour un livreur ne renverse quelqu’un, ou qu’un riverain excédé ne pousse par terre un livreur qui serait passé trop près de lui. » Puis dans le registre de la protection sociale : « et s’il y a des livreurs qui doivent se syndiquer, créer des associations professionnelles, la Ville de Montpellier sera à leurs côtés pour défendre leurs droits sociaux, il n’y a aucun problème. » L’adjoint est calé dans le tempo de la majorité. Un : faire respecter les règles. Deux : protéger. Un échange et un travail devraient s’installer, à suivre donc !

« Merci de vous intéresser à nous »

François Hollande clamait « mon ennemi, c’est la finance », mais lors de son « petit » quinquennat, il laissera la loi du 8 août 2016. « Modernisation du dialogue social, sécurisation des parcours professionnels, » des mots d’une loi El Khomri qui dans les faits rendent vulnérables tous les salariés, pour les enfermer dans un bagne sans murailles.

Richard Abauzit, Gilet Jaune (RPPA) y fera référence lors de cette prise de parole du 6 février 2021 sur le parvis de la mairie de Montpellier pour soutenir les livreurs verbalisés : « un mot pour rappeler qu’en France […] la situation juridique des livreurs qui sont considérés comme des indépendants, esclaves sans aucun droit, est difficile à faire valoir. Parce qu’en France depuis 2016, ceux qui travaillent sur ces plateformes sont indépendants, et ne sont pas salariés. »

Fragiles, précaires. Pas vraiment indépendants, ni mêmes entrepreneurs. Peut-on parler d’un mirage ou d’un mensonge politique, entre le « travailler plus pour gagner plus, » de Sarkozy, et « le renforcement du dialogue social » de Macron ? Annie Salsé syndicaliste CGT à Montpellier rapporte des paroles de ces livreurs auto-entrepreneurs : « je veux travailler, mais pas me bagarrer […] Quand on est à scooter, on nous donne davantage de commandes […] Quand on enchaine deux courses, on ne nous paye pas la deuxième entièrement […] Certaines plateformes ne nous écoutent même pas, notre compte est bloqué, on n’a plus de travail […] Merci de vous intéresser à nous. » Avisé, Hamza Zaïri, responsable revendicatif de la CGT FAPT confie : « il n’y a pas beaucoup de livreurs présents aujourd’hui, c’est dommage […] Ce que l’on essaye de faire avec eux, c’est de les organiser pour qu’ils puissent construire leurs revendications en amont. »

Toute une culture de la protection de l’outil de travail à leur transmettre, en leur donnant les moyens d’écarter la crainte de représailles de la part de leur plateforme. Un seul viendra témoigner, lui n’a pas fait l’objet d’amendes. Il gardera son casque et son masque. Puis expliquera au micro : « ce n’est pas normal que l’on prenne des amendes alors qu’on travaille. » Le jeune livreur fera remarquer que les riverains du centre-ville, comme les services de livraison des commerces alentour bénéficient de dérogations pour leurs camions, et fourgonnettes. « Il faudrait aussi nous faire des dérogations et encadrer pour qu’il n’y ait pas d’abus de vitesse, et de niveau sonore, voilà. Ça me parait normal. Et bien sûr annuler les amendes qui ont été mises à des livreurs qui n’abusaient pas, qui passaient tranquillement sans mettre en danger personne » précise-t-il ensuite.

Pour l’opposition, Alenka Doulain remercie « les organisateurs de la pétition et du rassemblement. » Et précise que « cette politique de verbalisation n’a pas été décidée en conseil, et pourtant elle est faite en notre nom. Je demande à la majorité de nous expliquer quelle est leur stratégie, face au problème que nous rencontrons aujourd’hui. » La conseillère municipale martèle : « nous ne pouvons pas avoir une action publique locale en étant forts avec les faibles et faibles avec les forts. Notre devoir est de protéger les plus démunis. » Du côté de la France insoumise, pour Julien Colet : « l’ubérisation de nos villes est un sujet complexe, dont nous commençons à peine à mesurer l’étendue des dégâts sociaux, économiques et écologiques. » Pragmatique, le militant France insoumise à Montpellier propose : « cette crise, on peut la résoudre avant tout par le dialogue […] Ce ne serait pas un déshonneur pour le maire de revenir sur ces amendes, et de demander l’annulation. »

Mairie de Montpellier, et plateformes de livraison se concertent et s’organisent ?

Pour éviter que les livreurs « squattent » le centre-ville dans l’attente d’une course, il y a selon Aurélien Alphon-Layre cofondateur de CoopCycle : une régulation des trafics en bloquant toute notification de livraison sur certaines zones et notamment sur la Comédie.

Sébastien Cote confirme : « on a traité avec les plateformes de manière tout à fait claire, pour que les commandes se fassent en dehors de la Comédie. Il s’agit effectivement d’éviter les rassemblements de livreurs qui stationnent trop longtemps sur les marches de l’Opéra-Comédie. En échange, on est en train de réfléchir avec ces mêmes plateformes pour trouver, comment créer un aménagement dans la ville, dans l’écusson, pour mettre à l’abri les livreurs en attente […] Il n’y a aucune volonté de les chasser du centre-ville. »

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