Hérault. Des enseignants signent une tribune pour dénoncer l’organisation de débats politiques dans les établissements scolaires.
Devant un possible nouveau débat, et un nouveau déplacement prochainement du personnel politique en place, sur le thème de la laïcité, au lycée Joffre de Montpellier, Audrey Marc professeure d’Histoire et Géographie reste préoccupée par ce genre « d’intrusion du politique dans l’école, » et affirme avec plus d’une vingtaine de signataires : « notre inquiétude, c’est l’importation de conflits extérieurs à l’école, dans l’école. »
Les faits, décembre 2020 : Michaël Delafosse et Kléber Mesquida viennent participer à un débat sur la laïcité, dans l’enceinte de l’école avec la rectrice Sophie Béjean. « La laïcité, c’est ne pas transiger avec ceux qui veulent faire passer la loi de Dieu, au-dessus de la loi des Hommes » expliquait le maire de Montpellier, en décembre dernier, à la suite de ce débat organisé au collège Rimbaud, à l’occasion du 115e anniversaire de la Loi sur la séparation des Églises et de l’État. En mettant le focus sur : « l’intégrisme islamique » pour le définir comme « un des défis qui nous est posé, » Michaël Delafosse affirmera ensuite : « quand on affirme la laïcité, on réussit à se protéger de tout ça. » Pour le Président du département, Kleber Mesquida : « La laïcité oblige, la laïcité protège, ça permet d’accueillir toute personne quelle que soit sa confession […] C’est gommer toutes les différences pour l’acception complète de l’Humanité. »
« L’instituteur à l’école, le curé à l’église, le maire à la mairie »
Janvier 2021, pour Audrey Marc : « il y a autant de visions de la laïcité que de familles politiques en ce moment, » et l’enseignante souligne : « on ne peut pas ouvrir la porte de l’école à tous les élus, si on accepte tel responsable politique, la porte est ouverte à tout le monde, et ça devient un problème sérieux. » Réflexion juste ? Certainement ! Et demain, à ce rythme, le sénateur Jean-Pierre Grand pourrait venir défendre la Loi sécurité globale, et son article 24.
Dans leur tribune, les signataires sont clairs : « nous ne souhaitons pas que des maires, de quelque couleur politique qu’ils soient, viennent dans nos établissements pour y développer leur point de vue sur ce que doit être la laïcité ou ce qu’elle ne doit pas être. Si des notions doivent être enseignées, c’est à nous de le faire. Pour les débats politiques, les espaces qui y sont dévolus sont suffisamment vastes, nul besoin de les mener au sein des collèges et des lycées du département. »
Dans son point presse de mercredi 20 janvier 2021, Audrey Marc défend l’importance pour les enseignants de préserver leur indépendance. La professeure d’Histoire et de Géographie rappelle que « la laïcité s’applique à l’État et aux agents de l’État et pas aux associations, » en citant le Président de la Ligue des Droits de l’Homme. Elle note aussi le refus de 350 associations de signer la Charte de la laïcité proposée par la majorité municipale de Montpellier, selon le journal Le Monde. « On voit bien que ce point est conflictuel, » précise Audrey Marc, pour réaffirmer : « faire intervenir Michaël Delafosse sur la laïcité, c’est ouvrir une tribune politique à un élu qui a une opinion. » L’enseignante soutient qu’il n’y pas de “fuite du débat, ni de l’analyse critique,” mais bien la certitude que « la polémique doit rester à l’extérieur de l’école. »
« Un élu, ça reste un militant politique » explique Audrey Marc. Mettant ainsi en avant le souhait de Victor Hugo, comme de Ferdinand Buisson : « L’instituteur à l’école, le curé à l’église, le maire à la mairie. »
Laïcité, et principes républicains : le marketing politique de 2022 ?
De la construction d’un « islam des Lumières » défendu à Mureaux par Emmanuel Macron à un Projet de Loi contre le séparatisme, devenu Projet de Loi confortant les principes républicains, la laïcité est-elle ballotée dans « un storytelling » comme simple outil de marketing politique, pour l’horizon des Présidentielles de 2022 ? Un rendez-vous électoral, avec une nouvelle occasion de théoriser sur la connaissance des besoins des électeurs. Communicants dans les starting-blocks pour déjà annoncer un Rassemblement National au second tour, histoire de minimiser toute autre concurrence.
L’injustice sociale : parent pauvre de l’action politique ? Une injustice sociale transformée en fatalité, en fragilité subie, pour masquer une carence idéologique, voire une inaction systémique. Alors, quoi de mieux pour la droite et son extrême, d’agiter l’insécurité, et pour la gauche et son centre d’agiter l’étendard de la laïcité pour les prochains rounds électoraux.