Mairie de Montpellier (© Melody Noisette)

Le groupe Citoyens et Universités de Montpellier de la Fédération de la Libre Pensée de l’Hérault a tenu une conférence de presse mercredi, pour dénoncer la Charte de la laïcité imposée aux associations par la Mairie de Montpellier et depuis lundi par le Conseil départemental. Désormais, une adhésion à cette charte sera indispensable pour toute demande de subvention, ou bien pour conserver celle-ci.

Détournement de la laïcité ?

Alban Desoutter, Jean-Pierre Sparfel et Edwin Dalino président du groupe, étaient réunis en visioconférence. Pour ces membres de la Libre Pensée, il y a dans ces choix politiques : « un détournement de la laïcité qui doit être combattu ouvertement ». Une lettre recommandée a été adressée à Michaël Delafosse maire Montpellier, et président de la métropole, le 23 octobre dernier. Le groupe LP a décidé de faire un recours gracieux au Tribunal administratif, et ira s’il le faut jusqu’au Conseil d’État.

Si le Conseil départemental de l’Hérault a adopté lundi 16 novembre 2020 la charte de la laïcité à l’issue d’un vote, Alban Desoutter tient à souligner qu’il n’en est rien pour la mairie de Montpellier : « le conseil municipal n’a toujours pas pu donner son point de vue […] pas de débat, ce qui est légal, mais choquant du point de vue de la démocratie. »

Laïcité : depuis début septembre, pour Michaël Delafosse l’évidence est la suivante : « je suis clair, toute association qui ne respecterait pas les grands principes de cette charte destinée à faire respecter la laïcité verra ses subventions suspendues. » Même tonalité pour l’actuel président du Département Kleber Mesquida, si la charte n’est pas respectée, cela « conduira soit au non-versement de la subvention, soit à sa restitution. »

« Contrôler le comportement individuel »

« En aucun cas, l’État ne peut organiser la promotion de la laïcité […] la laïcité n’est pas un outil pour contrôler le comportement individuel des citoyens » explique Alban Desoutter. En précisant : « nous, on est pour la laïcité, rien que la laïcité. Mais la laïcité au sens de la loi de 1905, c’est à dire la neutralité de l’État. Nous sommes contre l’instrumentalisation de la laïcité pour en faire un outil de répression, contre telle ou telle religion. »

Y a-t-il un objectif qui serait de cibler un islam en rupture avec les règles politiques et sociales ? Pour le groupe Citoyens et Universités de Montpellier de la Fédération de la Libre Pensée de l’Hérault, « la loi de 1905 se suffit à elle-même » et « cette charte de la laïcité est un outil qui renverse la charge de la preuve. » Alors, la notion de laïcité abordée ainsi ne crée-t-elle pas un raccourci et un amalgame facile entre : musulman, voile et terrorisme ?

Montpellier, où est passé le principe de laïcité ?

Le groupe LP n’a jamais relâché sa vigilance durant la gouvernance de Philippe Saurel. On peut parler à Montpellier d’une « affaire Saint-Roch » entre le port d’écharpes d’élus durant les fêtes de Saint-Roch, et promotion et financement de celles-ci.

Les membres de la Libre Pensée disent rester très attentifs au « maire actuel qui est membre du conseil municipal depuis 2008. Et vérification faite, il a toujours voté ces subventions sans rien dire », notent-ils au passage. Alban Desoutter parle même d’un « combat » à mener face à Michaël Delafosse « pour expliquer inlassablement, ce qu’est la laïcité et ce qu’elle n’est pas. Nous utiliserons tous les moyens possibles, et toutes les occasions pour rappeler ce que doit être ce principe de laïcité, pour éviter son instrumentalisation à de mauvaises fins. Et si ça doit durer 4 ans, ça durera 4 ans ou 6 ans jusqu’à la fin de son mandat. On sait être patient. Vous savez M. Saurel nous a pris de haut quand on a commencé à demander à ce qu’il retire au moins son écharpe. Et vous savez, on n’a pas fait le recours tout de suite, on a attendu 3 ans. Au bout de 3 ans, on a dit : maintenant c’est terminé. On attaque. Et on l’a fait après 3 ans, pour avoir d’abord demandé des rencontres qui sont restées sans réponses […] On s’est dit ce n’est pas grave, nous allons continuer, nous allons nous acharner, et à la fin on gagnera. »

Avec humour, le militant de la Libre Pensée note : « le ciel nous a entendus » et donc n’a pas entendu l’ex-maire Philippe Saurel. Alban Desoutter fait ici référence à la petite phrase d’un élu en pleine procession. Août 2019 c’était une sorte d’annonce furtive sur une candidature aux municipales : « si le ciel, qu’on y croit, ou qu’on n’y croit pas, pouvait nous donner encore un peu de temps pour travailler avec la ville et avec vous. » Visiblement la prière de Philippe Saurel n’a pas été entendue ni par Saint-Roch ni par aucun autre.

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Dans l’actualité, pour le groupe LP, il y a un grand écart entre la charte imposée aux associations et les agissements de la municipalité. La Libre Pensée note que le 5 octobre dernier, la majorité municipale choisit de verser une subvention de 8.500 euros à une association évangélique pour la distribution de repas de noël midi et soir, à 300 SDF. Des évangéliques qui s’étaient vite inquiétés de cette « charte de laïcité » imposée aux associations de Montpellier, dans les colonnes du journal La Croix.

Charte, laïcité et sophisme politique ?

Sophisme politique ? Expression peut-être un peu forte. Mais « enjeux de communication politique », l’expression semble raisonnable à l’aube de trois échéances électorales : Départementales, Régionales et Présidentielles.

Pour mémoire : « La place de l’islam, deuxième religion pratiquée dans la France contemporaine, n’appelle pas une révision de la loi de 1905, qui a posé les bases de la laïcité à la française », écrivait dans son programme le candidat d’En Marche : Emmanuel Macron. Mars 2019, le chef de l’État confirme qu’il ne souhaite pas « changer » la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État et insiste : « ma vision est claire, c’est 1905 et rien que 1905. »

2 Octobre 2020 aux Mureaux dans les Yvelines, Emmanuel Macron désigne sans ambiguïté la menace islamiste, laisse entendre dans son discours, plusieurs mesures significatives qui figureront dans la future loi sur les séparatismes, et présente la laïcité comme « le ciment de la France unie. » Discours dans lequel il a exhorté au « réveil républicain » face au « séparatisme islamiste. » Séisme : le 16 octobre, attaque terroriste islamiste, c’est l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, aussi désigné comme l’assassinat de Samuel Paty.

Les députés devront commencer en janvier 2021, l’examen du projet de loi confortant les principes républicains, et censée permettre la lutte contre le séparatisme. Projet qui a été transmis, le 17 novembre, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ce texte sera examiné en conseil des ministres, le 9 décembre prochain.

Occitanie. Reste à suivre à Montpellier, et sur le département de l’Hérault, si ce « détournement de la laïcité » dénoncé par les militants de la Libre Pensée : ira ou pas, jusqu’au Conseil d’État ?

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