Comme Jésus. Ulysse. Shiva, Héraklès ou le Bouddha, Saint-Roch est un personnage fictif. « Qu’importe ? », répondra l’intelligence amoindrie, satisfaite du manque d’intérêt fondamental au travers duquel elle aborde l’ensemble de l’existence.
Ignorer la signification de sa propre culture s’avère désormais commun. Néanmoins. Avoir conscience du caractère fabuleux des figures héroïques se révèle essentiel. Au lieu d’une culture d’accumulation, collectionnant les informations comme on le ferait de dés à coudre, voici l’occasion de comprendre avec exactitude ce qu’ignore la foule endormie. La figure du saint patron de Montpellier pourrait raconter l’histoire. La seule histoire. Celle de la quête du soi ; ce message universel et unique prodigué par la spiritualité.
Comme nos punks urbains, Roch a pour compagnon le chien. Ce dernier, dit-on, vint soigner ses blessures et lui porter du pain quand le saint homme, atteint de la peste, se réfugia dans les bois. Imaginez-vous sérieusement le canidé portant dans sa gueule des morceaux de pain pour les offrir à son ami ? Léchant la plaie infectant sa cuisse, l’animal l’aurait guéri de sa maladie. Si nous acceptons cette version, considérée comme historique, quel niveau de stupidité avons-nous atteint ? Interrogeons plutôt les éléments utilisés. Pourquoi un chien et non un chat ? Pourquoi la peste, et non la gale ? Pourquoi une plaie à la cuisse, et non au bras ? Si cette légende n’intègre aucun fait réel, la symbolique choisie n’a cependant rien de hasardeux.
Quand nous tolérons un tel récit sans plus de réflexion, en notre esprit s’installe l’incohérence. Habitué(e)s à croire en des fables, nous n’éprouvons plus aucune objectivité envers l’information des grands médias, tout aussi légendaire. Les symboles sacrés demeurent couramment utilisés de nos jours, dans la sphère politique comme dans le show-business. Mais puisque plus personne n’est capable de lire ces signes, on se contente généralement de railler quiconque les soumet à notre attention. Ce que nous croyons connaître sans en saisir le sens exact, en réalité, nous possède.
Comme le cerbère des Grecs, le chien exprime l’être conditionné. Dans le monde spirituel, l’animal équivaut à l’âme. On relève en lui certaines caractéristiques éclairantes pour l’esprit en recherche de vérité. Le chien, domestiqué, symbolise l’être humain esclave d’une société non choisie. Gardien des enfers, il détient la connaissance de l’inconscient : ce savoir que l’esprit a appris à refouler. Le mal, le diable, le noir, l’obscur, ou même l’impur, représentent ce que le mental sait, mais ne parvient pas à mettre en conscience. C’est pourquoi dans cette légende, le chien porte du pain à Saint-Roch. Considéré comme le corps du Christ, le pain est une allégorie de la nourriture spirituelle, ou plus simplement, de la pensée juste.
La peste symbolise à la fois le mal et la lutte contre le mal. Veillons toutefois à ne pas raisonner de façon binaire. Le mal n’a jamais été le contraire du bien, mais ce fameux savoir devenu inconscient (mal provient du sanskrit mala, signifiant noir). Le chien léchant la blessure de Saint-Roch évoque la guérison par la réflexion et la logique. Mais pourquoi une plaie à la cuisse (de Jupiter) ? Car si l’arrière du bras représente la trinité (triceps), l’avant de la cuisse est associée aux quatre sphères (quadriceps), transcendance du trois, ou dépassement des trois niveaux de méditation. Cette gymnastique d’esprit, enfantine pour les initié(e)s, reste inconnue du grand public. Mais l’illusion est fort bien faite. Elle est parvenue à dissuader l’être humain de s’intéresser à la connaissance, reléguant le spirituel à la croyance. En réalité, la spiritualité est une science exacte. Permettant notamment de lire le message de Saint-Roch.