Melchisédech, Jéroboam, Mathusalem… pourquoi les bouteilles de différentes tailles portent-elles le nom de patriarches bibliques ? Celui du rhum est issu du dieu indien Ram. Le gin provient de djinn, terme arabe désignant les êtres surnaturels dans les traditions sémitiques. Depuis l’énigmatique « in vino veritas » de Pline l’ancien, spiritueux et autres breuvages alcoolisés pointent de façon permanente le monde sacré.

Composé de khôl, poudre d’antimoine utilisée pour maquiller ou soigner les yeux, nous devrions le terme alcool au légendaire alchimiste Paracelse. Ce noir autour des yeux, notamment arboré par le prophète Muhammad, symbolise la vision du caché. Par son pouvoir désinhibiteur, l’alcool provoquerait l’entrée dans la réalité. Vivant en état d’ivresse permanent, Paracelse avait accès à la connaissance des deux mondes : réel et illusoire.

Le vin évoque la vie, ou la victoire (en anglais wine/win). La bière représente la mort symbolique ; la mise en bière de la pensée conditionnée. Comment nomme-t-on un mélange d’alcools ? Un cercueil ! Pour le mystique, le sens de l’existant se retrouve distillé au cœur du langage. Et tout ce qui paraît au néophyte pure folie, constitue pour l’initié une quête de soi mal orientée. La fuite que recherche l’alcoolique, ou simplement l’échappée déclenchée par l’alcool festif, reposent sur un appel intérieur des plus profonds ; sur l’authentique besoin de réalisation spirituelle, intimement ressenti par tout être humain.

Dans la plupart des voies spirituelles, l’alcool fait partie des rituels. Lors de la messe chrétienne, il devient sang du Christ. Certains chamans d’Amérique du Sud l’utilisent pour favoriser leurs visions. On le consomme même en Inde, lors de cérémonies tantriques. L’alcool est un puissant psychotrope ; convenablement utilisé, il modifie l’état de conscience, favorisant la méditation.

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