Délégués à Montceau, nous avons pu apprécier les nombreux échanges en plénière lors de cette ADA3, qui fut un grand moment de démocratie, permis justement par la possibilité des délégués de donner leur point de vue devant l’ensemble de l’assemblée.

Nous avons regretté que pour cette ADA4, il ne soit pas prévu de discussion sur le capitalisme et que les organisateurs aient souhaité interdire les plénières, pourtant choses systématiques dans toutes les formes de combat sociaux jusqu’ici. Nous ne devons pas avoir peur de la démocratie, mais au contraire de sa restriction. Aussi, nous livrons ces quelques réflexions par écrit. Nous estimons qu’il n’y a pas lieu nécessairement de trancher afin de respecter les sensibilités de chacun, mais que les GJ sont légitimes à en discuter librement. 

Le capitalisme, source d’inégalités, de baisse des salaires et du pouvoir d’achat 

Inutile d’y revenir longuement ici, mais tout le monde s’accorde, même les plus optimistes, à constater qu’à un pôle de la planète, des montagnes de capitaux s’accumulent, alors qu’à l’autre, la misère et le chaos s’installent : avec l’augmentation des prix et l’extension des temps partiels pour diminuer le taux de chômeurs, on se retrouve avec des salaires qui ne suffisent même plus à payer les loyers et les charges ; des inégalités géographiques, provoquées par la désertification des zones industrialisées et des zones rurales, au profit des zones urbaines qui concentrent ce qu’il reste de services publics ; des inégalités dans les droits, puisque la dégradation des services publics entraîne mécaniquement pour la population des restrictions à la fois quantitatives et qualitatives dans l’accès à l’éducation, la santé, la justice, les transports, l’énergie: obligation de faire des kilomètres pour aller à l’hôpital, à l’école… Si on veut être correctement soigné ou défendu, il faut maintenant avoir les moyens. On en revient à ce constat : pour les uns, minoritaires, il faut « baisser le coût du travail », autrement dit le salaire (direct ou différé via les cotisations) ; pour la majorité au contraire, il faut défendre le pouvoir d’achat, les droits conquis de haute lutte. En un mot : c’est la lutte de classe, dont la « réforme » des retraites sera un point central de la grève à partir du 5 décembre.

Une question a traversé tout le mouvement : doit on décroitre ? 

En effet, dans un grand nombre de ronds-points, qui restent le lieu où tout est parti et où tout se fait pour les Gilets Jaunes, de nombreuses discussions ont tourné autour de la nécessité, au final, de consommer moins. Cette orientation, motivée par des arguments souvent de politique écologiste, voudrait nous convaincre qu’il faudrait renoncer aux hausses de pouvoir d’achat, et au contraire, apprendre à vivre avec moins car nous « surconsommons ». Certains vont jusqu’à proposer que l’on arrête d’extraire pétrole, charbon, nous passer du nucléaire, des vaccins, de la construction de logement etc. Bref, la décroissance. D’autres prônent le retour à l’utilisation de jardins individuels ou partagés pour s’extraire de la consommation en grandes surfaces. Mais tout le monde ne peux pas acheter une ferme autogérée : comment feront ceux qui n’ont pas de terrain, dans les villes par exemple ? Et ceux qui sont malades ou handicapés ou trop âgés ? Devront-ils compter uniquement sur la solidarité pour se nourrir ? Que devient dans ce cas l’autonomie des personnes ? La nature humaine est-elle si bonne que nous puissions lui faire entièrement confiance ? Et si l’on bannit l’utilisation du pétrole, de la chimie et de l’ensemble des technologies, sommes-nous prêts à renoncer aux IRM, aux scanners, aux soins, aux médicaments, lorsque nous sommes malades ? Aux prothèses, lorsque nous serons vieux ou accidentés ? Aux téléphones, aux ordinateurs, à internet, qui nous permettent de communiquer, de travailler, mais aussi de nous soigner et de nous cultiver ? Autant le dire, vivre avec moins, c’est tout à fait ce que met en place Macron, quand il entend liquider les retraites, quand il impose les taxes sur le carburant, baisse les salaires, précarise l’emploi public etc. Ce discours n’est pas neutre sociologiquement : il est essentiellement urbain, et vient des classes plutôt aisées soucieuses de leur cadre de vie. Quand on vient de ces milieux, dire qu’il faut consommer moins est un peu plus facile que quand on vit dans les quartiers populaires. La décroissance n’est qu’une variante romantique du capitalisme, ne faisant que le déguiser d’une apparence moins féroce. Car on ne pourra enrayer la dynamique de destruction de ce système qu’en s’attaquant à sa première cause, l’injustice sociale. Soyons clairs : nous ne voulons plus des inégalités, nous ne voulons plus de la misère, mais nous n’attaquerons pas le capitalisme pour retourner au Moyen-Age et vivre sans accès aux soins, à la civilisation et aux produits de bonne qualité. Au contraire. Bien entendu, si certains veulent « vivre autrement » de manière marginale, ils doivent pouvoir le faire. Mais les peuples ont le droit d’avoir accès aux hôpitaux, aux moyens de transports, à la culture, aux ordinateurs, d’envoyer leurs enfants dans des écoles publiques de qualité. Ceci, dans une économie débarrassée de l’exploitation, des inégalités, et de la vision à court terme des dirigeants, sans plan pour l’avenir. On ne va pas nourrir 7 milliards d’être humains avec des fermes autogérées et des lopins de terre. Voilà pourquoi nous devons réfléchir sérieusement à ré-axer la société sur des bases débarrassées du capitalisme, même « vert » (comme cela a été clairement dénoncé à Montceau par la déléguée de Pau), même « moral », ou même avec des expériences de petites communautés marginales. Toute illusion sur le capitalisme « décroissant » ou « autogéré » nous mène à l’impasse.

Faut il interdire les discussions de fond chez les Gilets Jaunes ? 

Depuis le début, les Gilets Jaunes se sont réappropriés la politique, au sens noble du terme : chercher à être acteur de la cité, et en premier lieu, en comprendre les rouages. Comprendre les mécanismes de la société dans laquelle nous vivons, c’est se donner la possibilité de s’attaquer à la racine des problèmes (donc, étymologiquement, radicalement). Comprendre pourquoi des milliardaires brassent autant de dollars d’un côté quand un continent comme l’Afrique, pourtant si riche se meurt, ou pourquoi des SDF crèvent lentement dans les rues de nos capitales, est fondamental pour que nous puissions être pleinement conscient de la racine de nos problèmes. Aussi, vouloir rabaisser à tout prix la discussion à un niveau faible, voir la canaliser pour ne parler que des sujets dans le vent ne correspond à ce qui se passe concrètement depuis un an sur nos ronds-points.

Les gilets jaunes n’ont pas besoin de porte-parole, de leader, de rendez vous avec les politicards professionnels ou d’interviews médiocres sur les plateaux télés. Ils ont besoin de pouvoir discuter librement, sans entrave, et de tout. C’est sur les ronds-points et dans les assemblées locales que tout est né, c’est là qu’il faut être. Les Gilets Jaunes ont besoin de convergence avec tous ceux qui veulent en finir avec la politique actuelle. Surtout, ils ont besoin de victoires face à Macron, de déborder encore et encore tous les cadres établis, et de construire du neuf. Cette œuvre ne sera jamais celle d’une petite minorité agissante, mais d’une mobilisation du plus grand nombre. De la Révolution de 1789 jusqu’à Hong Kong, on gagne unis sur les objectifs.

La question du 5 décembre est maintenant dans toutes les têtes, même si elle n’est pas encore dans les conférences de presse de ceux qui cherchent autre chose. Cette date, convoquée par les syndicats de la RATP, fait maintenant tache d’huile. Ceux qui passeront à côté rateront le train, comme d’autres ont raté le train des Gilets Jaunes et cherchent maintenant à lui courir après.

Soyons au rendez vous, et poursuivons nos réflexions sans entrave. Tranquillement, nous en viendrons tous à remettre en cause les bases mêmes d’une société qui marche décidément la tête à l’envers.

Voilà un point de vue, il en existe d’autres, de la confrontation et de la libre discussion l’intelligence fera le tri entre ce qui doit être retenu et ce qui doit être mis de côté.

Qu’en dites vous ? 

Alban, groupe « convergence 34 »
Sabine, groupe « rond-point des Près d’Arènes » et « convergence34 »
Délégués à l’ADA3 de Montceau Les Mines

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