Si la journée de samedi devrait ouvrir l’Acte XXVIII des Gilets Jaunes, dimanche ouvrira l’Acte IX du Parlement européen.
Les élections européennes ont déjà commencé, le Royaume-Uni et les Pays-Bas votent déjà et la révolte populaire des Gilets Jaunes continue. Pourtant, il y a dans l’air comme le parfum imperceptible d’une élection presque sans enjeux, sans saveurs et intérêts.
Mais, le Parlement européen joue un rôle notable dans nos fragiles existences. Il est vrai que l’organisation institutionnelle de l’Europe est complexe, conséquence d’une construction historique confuse, souvenir ancien d’une construction par le haut et par couches successives d’organisations, qui se chevauchent et se débordent.
La « stratégie de la tension » peut décourager les citoyens d’aller voter.
Et on y retrouve peut-être une concordance des temps fâcheuse et l’application d’une certaine pensée de Licio Gelli, fasciste et maître de la loge P2 (Propaganda Due), dont Silvio Berlusconi fût à la fois proche et membre, mais surtout grand promoteur, dans les années 60 et 70, de la « stratégie de la tension » qui visait à encourager la violence politique, d’extrême-droite et d’extrême gauche, dans le but avoué de faire émerger un État autoritaire.
Si l’on peut espérer que cette stratégie est restée dans les poubelles de l’histoire, il reste que la tension est devenue le principal moteur du débat politique, un moteur renforcé par le mouvement des Gilets Jaunes, et qui ne fait que polariser toujours plus l’opinion publique entre les pour et les contre, dans une opposition de camps qui ne présage pas de l’après.
Si l’on écoute une certaine presse, le match de dimanche ne se déroulera qu’entre deux types de liste celles des Européens fervents et celles nationalistes extrêmes. Hors, l’élection à la proportionnelle est tout sauf un scrutin majoritaire, ici toutes les listes ont leurs chances et pour peu que l’on dépasse les 5%, l’on est assuré d’avoir des eurodéputés.
Cette tension est d’autant plus vaine, que la France et ses 79 députés* sur 705, ne fabriquera pas seule la majorité au Parlement européen.
Dès dimanche soir, de complexes tractations politiques commenceront entre les différents partis européens afin de construire, peut-être, une majorité centriste « et de gauche et de droite » dans un Parlement élu à la proportionnelle où, en principe, aucun camp n’aura la majorité tout seul.
En France, face à cet après incertain, il faut tempérer le séisme politique, car celui-ci a déjà eu lieu, et c’était il y a près de 5 ans, le Front national (Rassemblement national) était alors couronné « premier parti » de France avec 23 députés, face à l’UMP (Les Républicains) et ses 20 députés, et le PS/PRG et ses 13 députés. Des scores qui ne sont pas sans rappeler les projections actuelles, si ce n’est que l’UMP a été remplacé par La République en Marche/MoDem/Agir/Mouvement Radical Social-Libéral et le PS/PRG par Les Républicains/Les Centristes.
En réalité, c’est en Europe que le séisme politique devrait avoir lieu, alors que la part de l’extrême-droite au Parlement devrait considérablement progresser, après avoir déjà poussé en 2009 et 2014, et peut-être encadrer un tiers des futurs eurodéputés…
En somme, la « stratégie de la tension » ne propose, à terme, qu’un basculement vers une grande coalition européenne, forcément centriste, un mécanisme qui pourrait être dangereux pour la démocratie, en favorisant toujours plus les extrêmes. Face à ce danger, une solution existe encore et elle ne prend pas plus de vingt minutes dimanche…
*Le Royaume-Uni participant finalement aux élections européennes, les 5 candidats élus de la 75e à la 79e place entreront en fonction à la date du retrait effectif du Royaume-Uni de l’Union européenne.