Le député de La France insoumise, François Ruffin a dénoncé l’ignominie de la majorité des marcheurs : « j’espère que le pays ne vous pardonnera pas ».
Au départ un texte déposé par la droite LR. François Ruffin l’a défendu, comme si c’était le sien, avec l’évidence qui fait toute son humanité. Le député de la Somme a frappé fort avec ses mots et sa colère, le jeudi 11 octobre à l’Assemblée nationale, après le rejet de la proposition de loi pour « l’inclusion des élèves en situation de handicap ». Une loi qui voulait faire évoluer le statut des Accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Des accompagnants qui sont dans des situations précaires, et qu’il est difficile de recruter. Une loi qui voulait remplacer la multitude des statuts (AVS, AED, AESH etc.) par la création d’un statut « d’aidant à l’inclusion scolaire », et par la création d’une véritable formation, reconnue par l’État.
« cette discussion aura eu un mérite : vous démasquer »
C’est le député LR du Lot, Aurélien Pradié qui dans l’hémicycle, a défendu ce texte. En chiffres, il y avait 100 000 élèves en situation de handicap en 2006, et ils étaient 320 000 en 2017. De nombreux élèves sont restés sans solution d’accompagnement lors de la rentrée. Il lâchera que sur l’interdiction du portable les députés LREM ont su utiliser la loi, alors qu’il suffisait d’un règlement intérieur. En revanche, sur la question du handicap « vous rechigniez à utiliser la loi. » Seul le groupe de la République en marche n’a pas voulu travailler le texte, cette proposition a été largement soutenue par les autres groupes politiques, au-delà des clivages habituels. Pour Aurélien Pradié membre LR de la commission des affaires culturelles et de l’éducation : « cette discussion aura eu un mérite, vous démasquer » et en relisant le serment des députés du « nouveau monde » , serment du premier jour, il citera : « toutes les bonnes volontés seront associées à nos travaux […] L’honnêteté intellectuelle sera notre seule boussole. » Et il conclura : « mesdames et messieurs les députés de la majorité, vous avez aujourd’hui perdu ce qui vous restait de boussole. »
« Ce vote vous collera à la peau comme une infamie »
L’homme est indigné. François Ruffin fait une intervention qui met en abîme tout ce que La République en Marche a concédé jusque là : « chers collègues marcheurs, je vous le demande avec solennité : vous n’avez pas honte, honte de votre paresse, honte de votre sectarisme ? […] nous avons dans le pays des femmes, des milliers de femmes qui accompagnent les enfants handicapés dans les écoles. Pour ce métier, elles sont sous-payées : 600€, 700€, sous le seuil de pauvreté, avec des contrats ultra-précaires. […] Pour changer ça, depuis le début de votre mandat, quelles propositions de loi avez-vous portées ? Rien aucune. Et le ministère, quels projets de loi ? Rien aucun. Ça, pour supprimer les impôts aux actionnaires, pour offrir aux firmes le secret des affaires, là c’est urgent, là sur ces bancs, vous répondez tous présent, mais pour ces travailleuses pauvres, rien, rien de rien, personne. Vous les marcheurs […] vous n’avez même pas participé aux échanges, vous vous êtes contentés en groupe, en troupeau, de voter contre, contre, contre. De lever la main en cadence, comme des Playmobil […] Pire encore, vous allez voter une motion de rejet préalable, ça porte bien son nom rejet préalable : c’est-à-dire que la discussion n’aura même pas lieu sur un point aussi important, que ce texte ne sera même pas examiné. Vous empêchez carrément le débat, vous l’interdisez. J’espère que le pays ne vous pardonnera pas. Nous vous demandons un scrutin public, les noms des votants seront publics, je les publierai sur ma page Facebook et je ne serai pas le seul. Ils circuleront à travers la France. Et ce vote, ce vote : j’en suis convaincu, ce vote vous collera à la peau comme une infamie. »
« Pour, les enfants handicapés, leurs accompagnants, j’espère que le pays ne vous le pardonnera pas. Nous demandons un scrutin public ! Les noms publiés ! Ils circuleront à travers la France. Et ce vote, j’en suis convaincu, vous collera à la peau comme une infamie. » #DirectAN pic.twitter.com/BUs5Ahe0QO
— François Ruffin (@Francois_Ruffin) 11 octobre 2018
Explications côté La République En Marche
La députée du Val-d’Oise, Cécile Rilhac sera catégorique, LREM rejette ce texte : « il y a urgence à agir, mais à bien agir… elle (votre proposition de loi) rebondit sur les difficultés rencontrées à la rentrée, sans parvenir à formuler des propositions appropriées. Les deux premiers articles, ainsi que l’article 5 visent à mettre en place des dispositifs qui existent déjà. L’article 3 passe à côté du sujet crucial du temps périscolaire. Le 4e article ne constitue pas une réponse juridiquement satisfaisante… »
Pour Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, il n’y a pas besoin d’une loi sur le statut « d’aidant à l’inclusion scolaire. » Tout se réglera par une concertation devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) : « Je pense que ce n’est pas par la loi, que l’on va changer les choses aujourd’hui, car nous avons tous les ingrédients pour réussir… la loi 2005 est là, il suffit de l’appliquer… c’est bien exactement l’ambition de la concertation que nous ouvrons le 22 octobre pour améliorer les choses, mais en aucun cas nous avons besoin d’une nouvelle loi. »
La liste des 70 députés
Nombre de votants 124, 70 ont voté pour une motion de rejet préalable, 54 ont voté contre. Information mise à disposition par François Ruffin, la liste des 70 députés qui ont empêché qu’un débat ait lieu sur le statut des accompagnants pour enfants handicapés :
Damien Adam, Aude Amadou, Didier Baichère, Aurore Bergé, Pascal Bois, Céline Calvez, Émilie Cariou, Lionel Causse, Jean-René Cazeneuve, Sylvie Charrière, Fannette Charvier, Fabienne Colboc, François Cormier-Bouligeon, Dominique David, Marc Delatte, Nicolas Démoulin, Jacqueline Dubois, Laurence Gayte, Perrine Goulet, Véronique Hammerer, Pierre Henriet, Sacha Houlié, Yannick Kerlogot, Rodrigue Kokouendo, Aina Kuric, Frédérique Lardet, Célia de Lavergne, Fiona Lazaar, Gaël Le Bohec, Fabrice Le Vigoureux, Jean-Claude Leclabart, Roland Lescure, Monique Limon, Richard Lioger, Didier Martin, Thomas Mesnier, Amélie de Montchalin, Sandrine Mörch, Zivka Park, Patrice Perrot, Béatrice Piron, Pierre-Alain Raphan, Cécile Rilhac, Véronique Riotton, Stéphanie Rist, Mireille Robert, Laurianne Rossi, Laurent Saint-Martin, Jean-Bernard Sempastous, Bertrand Sorre, Bruno Studer, Marie Tamarelle-Verhaeghe, Adrien Taquet, Stéphane Testé, Huguette Tiegna, Laurence Vanceunebrock-Mialon, Annie Vidal, Patrick Vignal, Brigitte Kuster, Philippe Berta, Marguerite Deprez-Audebert, Marc Fesneau, Isabelle Florennes, Jean-Luc Lagleize, Fabien Lainé, Philippe Latombe, Jean-Paul Mattéi, Philippe Michel-Kleisbauer, Bruno Millienne, Michèle de Vaucouleurs