[VIDEO & ITW] Être surveillé ou être protégé, telle est la question ? Béziers, vendredi 9 mars 2018, inaugurait les nouveaux locaux de la Garde urbaine et du centre opérationnel de surveillance. En présence de Robert Ménard, maire de la ville, d’Emmanuelle Ménard, députée de la 6e circonscription de l’Hérault et de Christian Pouget, Sous-Préfet de Béziers.
Aujourd’hui 70 caméras demain 120, la Garde urbaine tient la ville à l’oeil. Le 2 bis place Garibaldi est un centre ultra-moderne. De plus en plus de mairies de tous bords politiques, inscrivent à l’ordre du jour du conseil municipal, une demande de subvention pour la mise en place de caméras, avec pour intitulé : « tranquillité publique ». Si de nos jours, cela est très « tendance » grâce à un électorat silencieusement demandeur, ce genre d’installation n’a pas toujours fait l’unanimité.
La CNIL s’inquiétait de la possibilité d’enregistrer des séquences vidéos
C’était en 1994, le conseil municipal prend la décision d’installer la vidéo-surveillance dans la ville de Levallois. Patrick Balkany avait renoncé à tout projet d’enregistrement d’images, histoire de ne pas irriter la CNIL qui s’inquiétait à l’époque de cette possibilité d’enregistrer des séquences vidéos, de les conserver et de les référencer grâce à des moyens informatiques. On les appelait les caméras-espionnes et elles ont provoqué un débat agité sur la protection de la vie privée.
24 ans plus tard, le concept de surveillance laisse la place à celui de protection. La police municipale est entrée dans les moeurs. Et les caméras font partie du quotidien. Elles sont déclarées en préfecture pour l’attribution d’un numéro d’identification puis auprès de la CNIL qui en fonction des lieux filmés, impose des masques de vie privée dynamiques. Les masques de vie privée, ce sont des zones grises qui apparaissent sur l’image et qui sont programmées, activées et verrouillées. Aujourd’hui, l’enregistrement des images est une évidence et il se fait en continu, ici sur 50 To de disques durs. En revanche, la conservation est limitée à un mois.
Masques de vie privée, démonstration
La démonstration faite par Laurent Roméro responsable technique de vidéo protection est étonnante. D’abord, il s’agit de reprendre la main sur l’une des 70 caméras en opération. Elles sont complètement autonomes, programmées pour balayer et zoomer dans tous les recoins d’une zone déterminée de la ville. En mode manuel, le joystick permet à l’opérateur d’aller chercher un détail, de suivre un individu ou un véhicule. Nous testons, un zoom dans la rue sur une poubelle, cela fonctionne. Mais sur un immeuble et une fenêtre d’habitation privée, immédiatement le masque gris tombe. On peut encore observer le bas de la rue, mais c’est tout. Impossible de voir la façade et donc de choisir une fenêtre pour en observer l’intérieur. Normalement, toute atteinte à la vie privée est ici techniquement impossible. Toutes autres suppositions nous feraient entrer dans le domaine du fantasme, de la fiction ou du complotisme.
Garde urbaine, 300 mètres carrés en centre-ville
Centre ville, 300 mètres carrés de locaux, lieu de travail et d’accueil de la Garde urbaine avec la vidéo protection de la ville de Béziers, le tout pour un budget de 890 000 euros dont 151 900 euros financés par l’état. Cette plateforme n’est pas uniquement l’outil de travail de la police municipale, elle est aussi en lien étroit avec la police nationale et la gendarmerie. Habitudes prises, pour toutes les forces de police, le premier réflexe est d’aller voir les images pour savoir exactement ce qui s’est passé et résoudre plus rapidement les affaires en cours. Robert Ménard a souligné, dans son discours d’inauguration, l’importance de cette collaboration entre la ville et l’état. Occasion de remercier le sous-préfet, pour leurs engagements conjoints, en lui précisant qu’il ne dit pas cela du fait de sa présence et lui rappelant au passage qu’il n’a pas pour habitude de macher ses mots. Robert Ménard s’exprimera ainsi «…l’état joue le jeu par rapport à toutes les opérations que nous sommes en train de mener au centre-ville… et je voulais vous remercier Mr le sous-préfet de vous êtes mobilisé, pour que l’argent soit là, et que l’on puisse tous ensemble réaliser cela. »
Mur d’images de 32 écrans et un central qui répond à plus de 19 000 appels par an. À Béziers, question sécurité, de gros moyens sont mis en place. En plus de son centre opérationnel de surveillance, il y aura fin 2020, un nouveau commissariat. Ce qui permet au maire de tacler discrètement le gouvernement quant à la possible réduction du nombre de tribunaux : « j’espère, j’en profite pour le dire qu’on ne va pas nous sucrer le tribunal. Parce que faire tous ces efforts et voir l’état imaginer réduire les activités du tribunal ! Là, c’est une vraie contradiction, mais on se battra et on gagnera là-dessus aussi… » Les multiples annonces de la ministre de la Justice Nicole Belloubet peuvent laisser perplexe, entre fusion et nouveautés, mais celle-ci dévoilera les principaux axes de la réforme de la justice le 11 avril en Conseil des ministres.
Le premier souci de Robert Ménard reste la sécurité des Biterrois. Une politique qui se concrétise avec ce centre opérationnel de surveillance et ces nouveaux locaux de la Garde urbaine qui sont ouverts 24 heures sur 24, et qui proposent un accueil du public.
Ne plus se sentir menacé par un danger grâce à une telle surveillance peut avoir pour vertu, de laisser la place au bien vivre ensemble. Mettre les habitants face à leurs responsabilités et faire naître ou renaitre, voire conserver un esprit civique nécessaire à toute vie en communauté. À l’inverse, on pourrait penser qu’avec la complémentarité des réseaux sociaux qui permettent d’indexer minutieusement toutes les pensées, la surveillance du geste et de l’esprit ouvre cette fois, la voie vers une société dystopique. 1865, Jules Vernes avait imaginé le voyage « De la Terre à la Lune », 1969 c’est fait. 1949, Orwel avait imaginé l’état policier avec son « Big Brother is watching you », souhaitons que l’année 2053, nous surprenne d’une autre façon.
Inauguration des nouveaux locaux de la Garde urbaine et du centre opérationnel de surveillance. Interview de Robert Ménard :