Le 28 août dernier, l’ex-dirigeant du monastère de Roqueronde vivait ses derniers instants en Thaïlande, emporté par un cancer.
Sogyal Rinpoché meurt sans avoir été jugé pour les crimes, abus sexuels et faramineux détournements d’argent dont il est accusé. N’invitant à aucune compassion particulière pour ses victimes, le haut lieu bouddhiste Lérab Ling invite les fidèles à honorer sa mémoire.
Le bodhisattva, « être de lumière » ou « être éveillé », est supposé répandre la juste doctrine dans le monde. Exempt des concepts de bien et de mal, l’authentique bouddhisme enseigne la lucidité. Par l’étude des textes anciens et les échanges philosophiques, les disciples atteignent peu à peu une pensée autonome, affranchie de l’illusion. Mais à cette praxis se retrouve généralement substitué un bouddhisme d’Etat, dévoyé à des fins de contrôle des masses, consistant à s’asseoir en tailleur pour écouter des gentillesses.
Pourquoi les hommages émanant des lamas et autres gradés portant la robe ocre, taisent-ils les faits graves ayant entaché le règne du vénéré Sogyal ? Les déviances survenant dans le milieu bouddhistes devraient avoir vertu d’enseignement. Ne serait-ce que pour éviter qu’elles perdurent. Mais hormis quelques articles de presse, l’affaire Sogyal se retrouve dans la parenthèse de l’oubli, semblant intéresser aussi peu les instances du bouddhisme tibétain que la justice française.
Le mythique sage Chenrezig, hautement révéré, invite à une vision claire de la réalité. Jamais le bouddhisme n’a prôné l’absence de jugement ni la méditation-les-yeux-fermés. Mais par l’inversion des valeurs spirituelles, les abus sont rendus admissibles. Sogyal travaillait depuis longtemps à son règne despotique, ayant déformé l’ancien texte du Bardo Todol pour écrire son « Livre tibétain de la vie et de la mort ». En réalité, la doctrine bouddhiste ne parle jamais de la mort, qu’elle considère comme définitive. De façon symbolique, la vie représente l’éveil spirituel, et la mort l’abêtissement mental empêchant l’esprit de réagir.