La recherche, la démarche intellectuelle, le talent, tels sont quelques-uns des mots que l’on pourrait attribuer à C’line Arts tant tout est réfléchi dans ses peintures. Entretien :

Valérie Haumont : C’line Arts, les animaux fabuleux battent leur plein, pouvez-vous nous expliquer le parcours qui vous a amené à faire cette exposition ?  

C’line Arts : Quand j’étais adolescente, je voulais devenir artiste, je voulais faire de la peinture, et rentrer aux beaux-Arts. À cette époque, il y a une trentaine d’années, nos parents estimaient qu’être artiste n’était pas un métier, il n’y avait pas de débouchés. Il a fallu que je trouve un plan B et comme mon beau-père était coiffeur, je suis donc devenue coiffeuse pendant 22 ans, jusqu’au moment où l’on m’a découvert une maladie invalidante à savoir une fibromyalgie.

Je me suis assise me demandant ce que j’allais devenir. Après moult réflexions, j’ai décidé de réaliser mon rêve : devenir peintre.

Donc cela a été simple, j’ai acheté une toile, quelques tubes, des pinceaux. Restait à savoir si j’étais capable de faire quelque chose de correct.  J’ai travaillé comme une dingue pour réaliser ma première toile. C’était un œil de tigre. D’ailleurs, même, si je l’ai apporté pour le vernissage, je l’ai remporté le soir même.

Il faut savoir que je ne savais pas dessiner, je n’avais jamais pris de cours de peinture ; il a fallu que je trouve la technique, que je trouve le mouvement, les couleurs… tout en somme. Et à partir de là, je n’ai jamais arrêté. Je peins entre cinq et dix heures par jour, depuis bientôt dix ans. C’est un besoin, une façon d’extérioriser, d’enlever le stress, d’oublier la maladie et surtout depuis que je peins, j’ai l’impression d’être à ma place.

Valérie Haumont : Comment peut-on qualifier le courant artistique de vos tableaux ? Figuratif, réaliste ?

C’line Arts : C’est extrêmement compliqué ! C’est de l’hyperréalisme. J’arrive même à tromper l’œil d’artistes peintres et de photographes qui se sont demandé si ce n’était pas du numérique ; ce ne sont que mon crayon et ma gomme au départ, puis mes pinceaux et mes tubes de peinture. Non, je ne triche pas, c’est du travail, du travail, du travail…

Mais quand on travaille en hyperréalisme, on va tellement dans le fond du détail, c’est au poil près, qu’il me faut un support visuel, bien évidemment.

D’autant plus que dans ma démarche, peindre un animal c’est bien, il y a des centaines d’artistes qui le font très bien, mieux que moi ; je ne voulais pas d’un animal qui pose, la peluche, la chose, la panthère sur sa branche, le tigre allongé par terre ça ne m’intéresse pas !!!

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Essai pour la nouvelle série de C’line Arts Pour Alexandre (peut être à mettre tout en haut)

Valérie Haumont : D’où le titre de votre exposition, les animaux Fabuleux …

C’line Arts : Tout à fait, je crois que l’on a beaucoup plus de traits communs que l’on veut bien le croire avec les animaux, car l’être humain a tendance à oublier que lui aussi est un animal, il n’est ni un végétal, ni un minéral. On sait qu’un animal ressent de la peine, de la joie, de l’amour, et c’est cela que j’ai voulu exprimer ; c’est-à-dire que pour moi les animaux fabuleux, je voulais montrer leur personnalité, leur caractère et qu’on les regarde comme des individus et non pas comme des choses. Il faut savoir qu’en droit jusqu’à ce qu’il y pas longtemps, on les considérât comme un bien, une chaise par exemple.

J’ai eu cette révélation-là car j’ai une muse. En règle générale, une muse est une beauté ; la mienne fait un 1m40 pour 240 kilos, elle se nomme Koko.

Koko était une petite femelle gorille née en zoo que la mère a rejetée à la naissance et qui donc a été élevée par les humains. Une doctoresse a voulu tenter une expérience et lui apprendre le langage des signes. Ma « Muse » connaissait de nombreux mots, et adorait les chats. On lui avait donc apporté un chaton. Un jour sa doctoresse est venue lui apprendre que le chaton était passé sous une voiture et là la doctoresse s’est retrouvée face à un animal qui par des gestes, donc des mots exprimait sa peine. Elle signait, « je suis mal, j’ai de la peine » ; quand vous entendez un gorille qui exprime clairement ce qu’elle ressent, à ce moment précis, j’ai commencé à travailler mes tableaux d’une autre façon, je n’étais plus dans l’esthétique ou la recherche de la technique, mais j’avais trouvé un vrai sujet, un vrai fond qu’il fallait que je travaille.

Les animaux fabuleux en eux-mêmes datent de l’année dernière, puisque je portais un nouveau regard sur les animaux que je peignais dorénavant. D’ailleurs en parlant de regard, j’avais fait une série, à la suite de la remarque d’une dame qui me disait « Quand on regarde dans les yeux des animaux, on voit l’univers dans leurs yeux. »

Valérie Haumont : Vos œuvres sont dans le courant hyperréaliste et pourtant, on y trouve quelques œuvres très décalées « La récré des frimousses ». Racontez-nous la raison.

C’line Arts : Je suis quelqu’un qui n’aime pas la routine, je ne peux pas peindre dans la répétition, beaucoup de gens me disaient qu’il fallait que je travaille la couleur.  Bien, pas de problèmes mais comment je vais faire cela, car chez moi, le fond est accessoire parce qu’il faut en faire, mais ce n’est pas primordial.

Et là je me suis dit, je vais essayer de faire en sorte où les deux seront complémentaires, mais comment vais-je travailler sur mes animaux ? Puisque je vais aller dans la couleur, je vais les surcolorer, aller dans l’humour et peindre des animaux qui font la grimace. Je vais me servir du fond pour essayer d’équilibrer les deux. L’idée était de réussir à associer deux opposés. En général, les peintres hyperréalistes détestent les peintres qui font de l’abstrait, et le contraire est valable aussi.

Au final c’est de mettre en abstrait des choses un peu figuratives, donc quand j’ai fait le jaguar, je me suis imaginé qu’il avait gaulé une goPro et qui s’est barrée avec. La caméra tourne vers le ciel, dans la forêt tropicale et le jaguar la regarde par-dessus.

Comme nous sommes dans l’abstrait, les triangles allant vers le haut représentent des arbres, le jaune, le soleil et la canopée ; le bleu des gouttes d’eau pour représenter l’atmosphère humide de la région. 

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C’line Arts devant La récré des frimousses, « le jaguar et la goPro »

Valérie Haumont : Vous avez eu l’idée de faire un assemblage de toile, pourquoi ?

C’line Arts : C’est très simple, comme tous les artistes, j’aime bien m’exprimer. Le problème est que je n’aime pas être coincée dans les angles, les limites.

Et quand on est artiste, on n’aime pas le mot fin.

Nous, lorsque l’on vous livre les toiles, elles sont terminées, c’est-à-dire qu’elles vont avoir leur histoire avec vous, mais avant elles ont leur histoire avec nous. Quand on y travaille, on n’a forcément pas envie que cela se termine, il y a une espèce de lien qui se développe et de fait j’ai pensé que le fait de faire un assemblage de toiles asymétriques, il n’y a pas de fin absolue. Sur le lion, j’ai estimé que c’était abouti mais que si je le souhaite, je peux continuer l’histoire… un nouveau chapitre

Valérie Haumont : Vous avez terminé ce thème par votre exposition, avez-vous un nouveau thème en tête ?

C’line Arts : J’en ai plusieurs. J’aime faire des essais. J’hésite entre deux choix sur l’amour maternel car même les félins et même les prédateurs expriment leur amour, qu’on retrouve dans la série « pure ».

Je voudrais me pencher sur les couples ; après j’ai envie de quelque chose de beaucoup moins coloré mais de l’autre moins blanc, comme pour le lion.

J’ai envie de retourner dans le fond noir mais avec une opposition un peu mécanique. Faire une opposition des douceurs des couples d’animaux, avec des fonds noirs et formes dorées et un peu argentées.

Exposition Les animaux Fabuleux

À découvrir jusqu’au 17 décembre 2018, au restaurant le W, 9 square de la couronne à Nîmes. 7 j/7 de 11 heures à 1 heure du matin.

NDLR  hyperréalisme : Courant artistique (peinture, sculpture) né aux États-Unis à la fin des années 1960, caractérisé par un rendu minutieux de la réalité inspiré d’images photographiques.

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