Pierre Khalfa était hier à Montpellier à l’invitation de « Ensemble ! 34 » pour une conférence sur l’Europe. Son engagement comme co-président de la fondation Copernic et membre du conseil scientifique d’ATTAC lui donne une analyse sur le temps long de l’Union européenne et sur ses traités.

Il constate que « la construction européenne est en crise profonde » et que le contexte actuel est lourd : crise migratoire avec le triste épisode de l’Aquarius qui a été à la Une de l’actualité ; crise économique depuis 2008 avec une augmentation de la pauvreté dans tous les pays de l’UE renforcée par les politiques d’austérité imposées par l’Eurogroupe (il juge l’état de la Grèce « lamentable ») ; crise politique avec des gouvernements euro-sceptiques et à tendance xénophobe, dans 5 pays (Grande-Bretagne qui négocie la sortie de l’UE avec le Brexit, Hongrie, Pologne, Slovénie et Italie).

Les élections européennes de 2019 sont l’occasion de débattre démocratiquement de l’avenir de l’Europe et de permettre à toutes les organisations qui présenteront des listes de candidats de proposer leur projet pour l’Europe.

Pierre Khalfa en tant qu’intellectuel progressiste apporte ses réflexions. Il milite avec ATTAC (Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne) qui est présente dans de nombreux pays dans le monde et qui est un creuset de pensées collectives. Pour l’UE, l’association ATTAC est présente dans 17 des 28 pays (en comptant la Grande-Bretagne qui n’est pas encore sortie officiellement).

L’Union européenne a longtemps été présentée comme une institution importante pour la paix en Europe et les échanges entre les peuples. Elle a permis avec les fonds de cohésion et la PAC (politique Agricole Commune), un certain développement économique, et une correction des inégalités entre territoires, ou encore avec Erasmus des échanges entre les jeunes.

Mais sa structure n’a jamais été démocratique, les États membres continuent à nommer les Commissaires sans que ceux-ci soient le reflet des votes du Parlement européen. Ils gèrent via les réunions des Conseils des ministres, ou pire via l’Eurogroupe (qui n’a aucune existence juridique formalisée), les politiques notamment économiques de l’UE. Le Parlement n’a dans ce système qu’un rôle symbolique. Et pire, le vote des peuples, comme les référendums en France ou aux Pays-Bas en 2005 sur les traités ne sont jamais respectés.

Pierre Khalfa parle d’une « Europe carcan des peuples » !

Il milite pour une désobéissance aux traités dans la perspective d’une Europe solidaire et démocratique. Se plaçant dans une logique internationaliste, il propose une refondation de l’Europe. Une UE qui serait un espace politique et économique faisant contrepoids aux entreprises transnationales et aux marchés financiers. Une UE qui lutterait contre la xénophobie et permettrait de traiter de façon humaine la crise migratoire. Une UE qui lutterait contre le moins-disant fiscal et social qui développerait des politiques, de transition écolo-énergétiques, créatrices d’emploi et protectrices de l’environnement. Une UE qui pèserait dans les rapports de forces à l’échelle de la planète.

Mais après avoir brossé ce tableau des possibles, la stratégie pour y arriver reste complexe. Les institutions font que le statu quo prévaut plus souvent sur les sujets démocratiques, sociaux et environnementaux, tandis que les sujets sécuritaires, néolibéraux et autoritaires arrivent beaucoup plus facilement à obtenir des résultats.

C’est pourquoi une Europe des peuples ne se construira pas dans le cadre des traités actuels qui ne permettent aucune avancée sociale et environnementale. Et réviser les traités demande l’unanimité des pays membres (plan A), il faut être capable de proposer un plan B avec des mesures unilatérales d’un ou plusieurs pays en dehors des institutions européennes. L’exemple grec a montré que sans plan B il n’est pas possible de négocier.

C’est pourquoi il faut être prêt à engager un bras de fer avec les institutions européennes. La sortie de l’euro et de l’Union européenne n’est pas un préalable pour mener une politique de rupture avec le néolibéralisme, mais ce n’est pas non plus une perspective à négliger. L’exemple anglais montre que la sortie de l’UE ne signifie pas automatiquement une rupture avec le néolibéralisme.

Pierre Khalfa, la fondation Copernic et ATTAC, militent avant tout contre le néolibéralisme. Ils sont conscients que cela passe par un processus de désobéissance aux traités européens et aux directives européennes, mais que cela ne suffit pas. Il faut aussi des gouvernements qui soient prêts à mettre en place des politiques sociales, écologiques et démocratiques.

À la question de savoir si la rencontre hier entre Angela Merkel et Emmanuel Macron qui s’est conclue par l’annonce d’un budget européen est une réponse, Pierre Kahlfa parle « d’un budget en trompe-l’œil » car il ne permettra pas de « changer sur le fond le logiciel de la construction européenne qui est basé sur le dumping fiscal et social ».

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