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À quoi rêve l’Union européenne ? Une question qui peut sembler quelque peu ridicule… La princesse Europe rêvait peut-être en pensant aux cèdres du Liban… L’Union donc ne rêve pas, mais ses fondateurs ont rêvé pour elle. Ces rêves sont aujourd’hui notre réalité : pour le meilleur et pour le pire.

Qui sont les « Pères fondateurs » analogie des « Fouding fathers » pour les « États-Unis » d’Europe ? Qu’elle était le projet initial ?

À la base, l’expression « Pères fondateurs » désigne ces quelques hommes qui furent les principaux artisans de l’Europe communautaire. L’expression porte les germes d’un mythe tenace, celui de l’indépendance de leur action et la clairvoyance de leur réflexion. Mais si l’on s’écarte de la surface, un premier problème simple apparaît : combien sont-ils ? Un second plus complexe : qui sont-ils ?

Partons des cinq qui font consensus, Jean Monnet, Robert Schuman, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi et Paul-Henri Spaak, pour essayer de dresser un portrait du projet initial porté pour l’Europe.

Le plus connu, Jean Monnet, s’inscrit dès le début dans la lignée des grands entrepreneurs chers à notre actuelle  « Start-up Nation ». Américanisé jusqu’à l’os, il fut un temps conseiller du président Roosevelt, et tour à tour un allié de circonstance, et un ennemi féroce du Général de Gaulle : « il est un ennemi du peuple français et de ses libertés … il est un ennemi de la construction européenne » écrira-t-il même au secrétaire d’État « étasunien » Harry Hopkins en 1943. Pour reprendre Robert Bernière, l’un de ses collaborateurs, il avait une double nationalité « de fait » et il était « américanisé ». Mais alors, qu’elle était la vision de ce technocrate et de cet homme de l’ombre dans l’influence américaine de « la construction de l’Europe » ? Peu ou prou, ce qu’elle est aujourd’hui : une institution supranationale à vocation fédérale, qui ne doit devenir ni une véritable rivale à la puissance américaine ni un pôle de résistance à son « soft power », l’antichambre d’une future « gouvernance » mondiale.

Robert Schuman, lui reste connu pour les nombreuses écoles et rues à son nom. C’est un homme politique de la frontière, tour à tour allemand et français, au grè des vicissitudes de l’Histoire du continent politique. Il fut ministre dans le gouvernement du Maréchal Pétain,  votant même les pleins pleins pouvoirs le 10 juillet 1940, avant de démissionner le 17. Il sera par la suite emprisonné puis placé en résidence surveillée, après son évasion en 1942, il mènera une vie monastique jusqu’à la fin de la guerre. Homme politique sous la IVe République, en tant que membre éminent du Mouvement Républicain Populaire (MRP), sa pensée politique complexe à la tonalité mystique, propose un avant-goût du caractère sui generis de l’Union. Qu’elle était son projet européen ? Un projet contradictoire, servi pas une pensée mystique posant à la fois que « le supranational ne s’oppose pas au national, mais doit le servir » et qu’il faut « une autorité européenne unique, souveraine… »

Konrad Adenauer est un homme politique allemand, chassé de sa Mairie par les nazis en 1933. Il sera dans le chaos de l’effondrement du IIIe Reich, l’artisan du rassemblement des démocrates-chrétiens dans l’actuelle CDU. Il sera aussi le premier chancelier de la République fédérale d’Allemagne (RFA). C’est après guerre, l’artisan du rapprochement entre la RFA et Washington, qui voit déjà dans cette « demi-Allemagne » son partenaire privilégié. Il sera un des premiers à pressentir dans la construction européenne un moyen pour l’Allemagne de retrouver sa place dans le concert des nations, d’autant plus facilement que la conception allemande de l’ordre européen est une conception fédérale.

Alcide de Gasperi est aussi un homme de la frontière, austro-hongrois puis italien, comme Adenauer, il est catholique et démocrate-chrétien. Élu au parlement viennois puis italien, il sera arrêté en 1926 par les fascistes. Condamné à quatre ans de prison, il sera relâché au bout de 16 mois, sur l’intervention du Pape qui lui trouvera un emploi au Vatican. Entré au gouvernement italien après la guerre, il utilisa comme Adenauer  la construction européenne, comme un moyen de renforcer l’Italie, et de faire d’elle un partenaire respectable après sa période fasciste. De Gasperi caressait pour le vieux-continent, le projet d’une organisation fédérale de l’Europe occidentale sous la protection des États-Unis.

Le « dernier », Paul-Henri Spaak est un socialiste militant belge. Il accède aux fonctions gouvernementales en 1936, poussant par la suite la Belgique dans une neutralité, qu’il regrettera amèrement après guerre. Au printemps 1940, il se résoudra à rejoindre l’Angleterre. Il sera le premier président de l’Assemblée générale de l’ONU, le 10 janvier 1946. Il pensera toute sa vie qu’une Europe unie est une Europe étroitement et durablement associée à la puissance étasunienne. Il sera nommé secrétaire général de l’OTAN en 1957 et le restera jusqu’en 1961.

Le rêve a-t-il tourné au cauchemar ? Non, l’Union européenne est aujourd’hui tout à la fois : sui generis, fédérale, supranationale, libérale, atlantiste et orientée par la politique allemande. N’était-ce pas là le rêve de ses « pères fondateurs » ?

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