« Interview: Qui est Joël LaBruyère ? », capture d’écran
Modifié le 09/12/2017 à 13h15

Il y a quelques temps, j’écrivais un article sur le groupe sectaire de La Salvetat-sur-Agoût (34), mais je ne pouvais vous laisser sur cette simple introduction, car l’affaire va de mal en pis…

Une plainte pour « insultes et menaces »

Mercredi 8 novembre 2017, Thierry Canals, retraité et rédacteur de www.panache-salvetois.fr, porte plainte pour « insultes et menaces ». Un premier signalement avait déjà eu lieu le 19 juillet dernier auprès du Procureur de la République de Béziers.

La guerre des extrêmes droites

Il faut aussi ajouter l’ « agression » de Jérôme Bourbon, directeur du journal d’extrême droite Rivarol, aux faits d’armes du groupe sectaire qui abrite le girls band « Les Brigandes ». Plus particulièrement mis en cause, Antoine Duvivier justifie la violence physique de curieuse manière : « j’ai perdu mon sang froid, je lui en ai collé une, voilà, c’est des choses qui arrivent, personnellement, j’estime qu’il mérite bien pire ». L’agression est encore tournée en dérision par le groupe et plus spécialement Chrystelle Gordeaux, dans une vidéo du 28 novembre.

« Radio Brigandes VII – Pierre & Jean, les deux églises du Christ (Novembre 2017) », capture d’écran

 « Les Brigandes » et l’extérieur

Je suis donc entré en contact avec « Les Brigandes », il y a moins de deux semaines, en passant par l’intermédiaire de leur site internet, dans le but avoué de découvrir davantage ce qui se joue à la Salvetat. Surprise : « Les Brigandes » m’ont répondu ! En revanche, l’expéditeur était difficilement identifiable . Il semblerait que j’ai échangé avec Antoine Duvivier, le secrétaire des « Brigandes ». Dans les mails envoyés, il a oscillé entre menaces de poursuites et cajoleries. Menaces de poursuites, si le papier n’allait pas dans leurs sens. Cajoleries, « Les Brigandes » seraient amies avec tout le showbiz, Brigitte Bardot en tête. Bref, pour des personnes qui voient complots et manipulations chez presque tout le monde, on a fait mieux en matière de cohérence.

Pour mieux comprendre la situation, je me suis rendu samedi 18 novembre à la Salvetat-sur-Agoût. J’y ai rencontré Thierry Canals et d’autres habitants afin de mieux comprendre le cas des « Brigandes ». Hélas, je n’ai pu recueillir l’avis des principales intéressées, qui n’ont pas souhaité me rencontrer. Étonnant, puisqu’il semblerait, selon Antoine Duvivier, que le jour de ma venue à la Salvetat-sur-Agoût les portes étaient grandes ouvertes. Position que le « clan » confirmera par la suite : la communauté « reçoit des gens presque toutes les semaines, des catholiques, des païens, des anarchistes, des libre-penseurs mêmes. On n’a pas de problèmes, on est prêts à discuter. Les gens viennent voir, ils se font une opinion ». Enfin, sauf ceux qui posent des questions !

« Interview: Qui est Joël LaBruyère ? », capture d’écran

« Les Brigandes, c’est un moment glorieux »

Le groupe sectaire est dirigé par le gourou et compositeur sexagénaire Joël Labruyère, « initiateur du clan », qui feint la quête d’anonymat : « j’aurais voulu rester un illustre inconnu, mais on m’a fait sortir de l’ombre », s’amuse-t-il ainsi. Sur le plan spirituel, pour lui : « on est chrétien par la force, c’est le plan de Dieu pour l’humanité ». Le « clan » se réclame de la gnose et lutte contre « le diable ».

Sa communauté, c’est l’accomplissement d’une vie : « Les Brigandes, c’est un moment glorieux », confie-t-il face caméra. Il explique : « La démarche de clan est une démarche révolutionnaire. Moi, vous voyez, je ne suis pas Che Guevara, je suis de l’autre bord, mais vous avez compris ». « Les criminels, ce sont les médias ». La République est une « une justice maçonnique », « pieuvre maçonico-juridique » avec des juges faisant de la « propagande anti-secte ».

« Sectes : Furie de Christian Cotten 2/2 », capture d’écran

Dans une autre vidéo, Antoine Duvivier se gargarise qu’il n’existe aucune image sur internet du gourou, mais dommage, il en existe.

Sur le plan des mœurs, Joël Labruyère s’amuse des accusations de harcèlement sexuel : « le gourou, il peut plaire aux dames »

Un village acquis au groupe sectaire ?

D’un côté, il y a le maire divers droite, Thibault Estadieu, homme qui traite de « pouffiasse » une journaliste et considère « Les Brigandes » comme des artistes locaux de qualité, tout en assurant ne pas adhérer « aux thèses plus tendancieuses et discutables ». Et de l’autre côté, un premier adjoint, Jean-Christophe Mialet, qui souhaite qu’on leur fiche la paix une bonne fois pour toutes. Il y a aussi la radio de la commune qui en fait la promotion (« Ultra Sixties »/« Les Brigandes »/« Les Salvetoise » constituent le même groupe sectaire). Les élites locales ne sont donc pas très ouvertes aux interrogations.

Les bons scores du FN sur cette commune (46,28 % au 2e tour de la présidentielle) expliquent peut-être cette bienveillance. De même que l’intention à peine dissimulée du FN local de monter une nouvelle liste pour les prochaines municipales.

« Je pense qu’il y a bien pire derrière »

Un habitant explique la situation : « quand on parle dehors, j’en ai toujours un qui écoute », « ils ont une espèce de façade de séduction », pour ne pas montrer leur adhésion à la thèse du « grand remplacement » et au conspirationnisme visant juifs et jésuites.

« Je pense qu’il y a bien pire derrière », me confie un autre habitant. Un climat d’insécurité que le clan installe, peut-être pour mieux se souder, craignant toujours les « gauchistes » (comprendre : ceux qui n’approuvent pas leur message). Paranos, ils préparent une riposte : « Les gauchistes nocturnes pourraient avoir une mauvaise surprise, si l’envie leur prenait de s’approcher de nos locaux ».

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